"Des choses auxquelles on ne peut se soustraire ?"
Okami yo rakujitsu o kire, la dernière réalisation de Kenji Misumi, sort la même année que le sixième et dernier épisode de la saga Kozure Ôkami, dirigé celui-là par Yoshiyuki Kuroda. Tiré d'un récit de Shotaro Ikenami, auquel on doit également Kumokiri Nizaemon et Yami no karyudo d'Hideo Gosha, cet ultime opus est aussi le seul pour lequel le cinéaste de la feue Daiei
soit crédité comme scénariste. Faut-il voir dans ce film une forme de
testament artistique ? Qui pourrait raisonnablement l'affirmer ? Mais
cette production de la Shochiku,
un peu isolée au milieu de comédies et de polars, marque aussi la fin
d'une époque pour le cinéma japonais, confronté notamment à une sévère
concurrence occidentale*.
Kyoto,
1864. Le corps franc Shinsen (loyauté), pro-shogunal, mené par Kondo
Isami, Okita Soji et Hijikata Toshizo massacrent un groupe d'activistes
pro-impérial. A Edo où il revient pour la première fois depuis huit ans, Sugi Toranosuke
évite à son oncle ivre d'être trop sérieusement corrigé par trois
samouraïs eux-aussi éméchés. Il apprend bientôt par un messager le décès
de son père Hirauemon, croisé un peu plus tôt cette nuit.
Enfant, surprenant une conversation au cours de laquelle la seconde
épouse de celui-ci lui demandait de déshériter son chétif aîné, il avait
tenté de se suicider en se jetant dans le fleuve.
Secouru par un inconnu, Sugi était devenu le disciple de son sauveur, un redoutable bretteur. Iba Hachiro, le maître de l'école du Sabre-en-cœur, a assisté à l'intervention nocturne de Sugi.
Impressionné par l'art de ce dernier, il l'invite dans son dojo et les
deux samouraïs deviennent amis. En retournant chez lui, Sugi découvre un bonze mortellement blessé qui le charge de sa mission secrète. Il s'agit de retrouver une femme, Reiko poursuivie par le clan Satsuma, au relais du col de Shinagawa et de l'accompagner jusqu'à Kyoto chez Ikemoto Mohei, le propre maître de Sugi et espion du shogun Tokugawa.
Dix ans après le Ansatsu de Shinoda dont le scénario se situait à la même époque, la longue (treize ans en deux heures trente) fresque historique en deux parties**, qui sert de toile de fond à ce drame individuel et collectif de Kenji Misumi, s'achève à peu près au moment où débute le film d'action épique d'Edward Zwick produit il y a quatre ans par la Warner. Les arguments des deux films sont évidemment assez différents. Dans Okami yo rakujitsu o kire, ce sont les destins croisés de quatre samouraïs (les personnages d'Hanjiro Nakamura et de Okita Soji complètent le carré d'as),
leur engagement qui façonnent la trame de cette histoire à laquelle se
mêlent de secondaires intrigues sentimentales. Le meurtre, au service de
la conquête du pouvoir, a progressivement remplacé le code de l'honneur
de cette caste féodale. Les scènes dialoguées et de combat
s'équilibrent avec finesse et Misumi fait encore preuve d'une remarquable maîtrise de la mise en scène. Hideki Takahashi, que l'on avait pu apprécier chez Seijun Suzuki, offre une prestation sans faille aux côtés d'un Ken Ogata dont la carrière va connaître une rapide ascension, et de la belle Keiko Matsuzaka, déjà partenaire du premier dans Miyamoto Musashi de Tai Kato.
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*dont la participation ou l'influence permettront à Ai no corrida et à Kagemusha par exemple d'être produits.
**I. Le vent du destin - II. La fureur des flots.
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