"Rentrons, Papa."
Quatre ans et trois adaptations d'autres auteurs séparent Suna no utsuwa de Kichiku dans la filmographie de Yoshitaro Nomura. Il y a pourtant une parenté évidente entre ces deux productions tirées de romans de Seicho Matsumoto. Le premier était un polar, le second, co-signé par un collaborateur de Kurosawa Masato Ide,
est un drame mais tout deux explorent les dimensions psychologique,
morale et sociale de manière assez singulière. Paradoxalement, celui-ci
est plus violent, une brutalité ("Kichiku" signifiant à la fois démon et brutalité animale en japonais)
d'autant plus vive qu'elle s'exerce ouvertement à l'encontre de jeunes
enfants, le film se donnant parfois même de faux airs de thriller hitchcockien.
Privée de ressources pour faire vivre ses trois enfants, Kikuyo, la maîtresse de leur père Sokichi Takeshita, quitte son modeste appartement d'Obusama et se présente chez le couple Takeshita. Elle y rencontre Umé,
l'épouse inféconde du petit imprimeur quasiment ruiné par l'incendie
d'une partie de son atelier. Après une discussion animée, l'ancienne
serveuse d'auberge abandonne chez eux Riichi, Yoshiko et Shoji âgés respectivement de six, trois et un ans. Pendant qu'Umé se montre cruelle à leur égard, le pleutre Sokichi tente de gérer la situation comme il le peut. Le plus jeune décède néanmoins bientôt de dyspepsie liée à la malnutrition. Kikuyo ayant déménagée et demeurant introuvable, les Takeshita ne savent plus que faire des deux autres enfants.
Même
si l'on ose pas vraiment croire, pour des raisons de construction
narrative et de vraisemblance, aux terribles développements de cette,
finalement ordinaire, affaire de mœurs, le malaise ressenti à la vision
de Kichiku
s'avère diffus mais réel. On ne sait d'ailleurs pas non plus quel est
le personnage le plus démoniaque du trio conjugo-adultérin, la féroce et
insensible épouse incapable de donner une descendance à son mari, le
pitoyable père reproduisant inconsciemment le modèle de sa propre et
triste existence ou la mère génitrice acceptant, sans apparent état
d'âme, le sacrifice annoncé de sa génération. On s'interroge également
sur les ferments de ce troublant récit, tout en rappelant que Seicho Matsumoto
fut apprenti dans un atelier d'imprimerie avant de devenir journaliste
et écrivain. D'évidence, le film doit beaucoup à son inattendu et
saisissant final et à la qualité de l'interprétation de Ken Ogata, soulignée par quatre prix au Japon, en particulier lors de ses face-à-face avec le jeune Hiroki Iwase.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire