"- ... Des champignons... Et des joues."
L'idée de produire une prequel à la trilogie (tetralogie ?) Lecter* ne manquait pas de saveur (sic !) et, surtout d'ambition. Car il s'agissait de fonder, a posteriori, une série dans laquelle s'était illustrés, dans l'ordre chronologique, Michael Mann, Jonathan Demme, Ridley Scott ou Brett Ratner, mais aussi Anthony Hopkins et Jodie Foster (excusez du peu !). The Silence of the Lambs, adapté du deuxième roman de Thomas Harris, récoltant au passage cinq "Oscars", un "Lion d'argent" et quelques autres notables distinctions. Différence capitale par rapport aux opus précédents, Hannibal Rising est adapté par l'auteur à partir de l'ouvrage paru en décembre 2006 sous la pression de Dino De Laurentiis résolu à lancer le projet cinématographique, même à partir d'un scénario signé par un tiers. Difficulté notoire, réussir à voir en Gaspard Ulliel le jeune Hannibal Lecter interprété avant lui, et de quelle manière, par Hopkins et Brian Cox.
Lituanie, 1944. Les combats entre les armées allemande et russe obligent la famille Lecter à quitter son château pour trouver refuge dans leur pavillon de chasse. Un char soviétique, arrêté pour se ravitailler en eau à proximité de la maison, est attaqué par des avions ennemis. Hannibal et sa jeune sœur Mischa sont les seuls rescapés du bref combat. Ils sont bientôt rejoints par un groupe de pillards indigènes, enrôlés dans la SS. L'absence de provisions et de gibier se fait vite cruellement sentir et Vladis Grutas, le chef de la bande, sacrifie Mischa pour survivre. Huit ans plus tard, Hannibal échappe à une cellule de son château devenu un orphelinat d'Etat et se rend à Etampes où résident son oncle Robert Lecter, décédé l'année précédente, et sa veuve Mme Murasaki.
Celle-ci lui enseigne l'art du sabre japonais, une arme dont il se sert pour décapiter le boucher Paul Momund qui s'était montré outrageant à l'égard de sa parente. Ce meurtre éveille l'intérêt de l'inspecteur Popil pour Hannibal avec lequel il partage cependant certains points communs. Obsédé par les cauchemars où il revit le supplice de sa sœur, Hannibal retourne chez lui, à Kaunas. Alors qu'il inspecte la maison qu'il a abandonnée avant d'être sauvé par les troupes russes, il neutralise l'attaque de Dortlich, l'un des complices du meurtre de Mischa.
Le véritable handicap de Hannibal Rising est qu'il ne peut être vu sans référence aux films évoqués précédemment. Car pris isolément, malgré ses quelques maladresses et incohérences narratives, son spectacle ne provoque aucun véritable déplaisir. Sa gageure consiste justement à ne pas aller au-delà de cela, à ne pas répondre à une attente légitime mais probablement illusoire. Le mystère Hannibal Lecter, sa prodigieuse et inquiétante intelligence, sa rareté à l'écran tenaient une part essentielle dans l'intérêt et le succès des productions antérieures. En dévoilant le personnage, en fondant sa démence meurtrière et cannibale sur une tragique mais "vulgaire" vengeance, le scénario de Thomas Harris prend le risque de reléguer cet obsédant artiste du crime au rang de psychopathe ordinaire, bidimensionnel.
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*par ordre de notoriété : The Silence of the Lambs, Red Dragon, Manhunter (tous deux tirés du même premier livre) et Hannibal.
**Hayden Christensen, Macaulay Culkin, Hugh Dancy, Rupert Friend, Dominic Cooper, Tom Sturridge et Tom Payne ont été successivement pressentis pour le rôle.
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