"Ce n'est que cendre et poussière. Comme dans la chanson."
Après Koza en 1995 et Uzak, récompensé en 2003 par le "Grand prix du jury"*, ce quatrième long métrage était l'occasion pour le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan (prononcé "nouri bilguè djèïlân") de retourner l'année dernière sur la Croisette**. Lent, méditatif plus que psychologique, évidemment atmosphérique, Iklimler est composé en mode mineur, un peu à la manière de deux des concertos (Eté, Hiver) des "Quattro stagioni" d'Antonio Vivaldi. Il est aussi le premier dans lequel le réalisateur choisit de passer de l'autre côté de la caméra pour tenir, comme John Cassavetes dans Opening Night ou Love Streams avec Gena Rowlands, le rôle principal aux côtés de son épouse Ebru Ceylan.
Au cours d'un séjour à Kas, sur la côte méditerranéenne, la disharmonie croissante entre Isa et Bahar
atteint un seuil critique. Le professeur dans une faculté
stambouliote, venu prendre quelques photographies de ruines antiques
pour illustrer son interminable thèse, suggère une séparation à sa jeune
compagne, directrice artistique sur une série télévisée. De retour à
Istanbul, Isa ressent assez vite le poids de la solitude et s'invite un soir chez Serap, une ancienne amie croisée par hasard dans une librairie accompagnée de son amant Güven qu'il connaît également. A l'occasion de l'une de leurs rencontres, celle-ci lui apprend le départ de Bahar dans l'Est du pays pour le tournage de la série. Isa décide alors d'affronter les frimas neigeux de Dogubayazit pour tenter de la reconquérir.
Une filiation avec Michelangelo Antonioni, voire avec Ingmar Bergman a souvent été évoquée à propos de Nuri Bilge Ceylan. Elle n'a probablement jamais été plus marquée qu'avec Iklimler. Ce drame, co-produit par Fabienne Vonier (Les Invasions barbares), ne peut raisonnablement être qualifié d'Avventura ou de Scener ur ett äktenskap
anatolien. Mais sa thématique et son expression artistique parfois
elliptique le rapprochent indiscutablement du Latin et du Scandinave.
Chez Ceylan,
les longs plans fixes ou gros plans, le flou et les silences, mais
aussi une certaine brutalité, sorte d'accélérations subjectives du
temps, en disent davantage sur les personnages et les situations que
bien des dialogues chez d'autres réalisateurs. Intemporel, universel et
subtil, y compris sur le plan visuel et sonore, Iklimler possède la plupart des qualités pour devenir un "classique".
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*la "Palme" du meilleur acteur étant attribuée à ses deux interprètes masculins, Muzaffer Özdemir et Emin Toprak, ce dernier à titre posthume.
**pour y recevoir le "Prix de la FIPRESCI".
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