"- Vos convictions ou celles de votre pays ?
- Ne sont-elles pas les mêmes ?"
Qui pourrait raisonnablement dénier au diptyque Flags of Our Fathers-Letters from Iwo Jima* sa place aux côtés de Paths of Glory, de Apocalypse Now ou de The Thin Red Line parmi les meilleures productions du genre ? Les films de guerre alliant force et intelligence ne sont en effet pas légion, et celui de Clint Eastwood, en plus de ses qualités artistiques, possède au moins ces deux là. Il est aussi le premier à approcher de manière véritablement dualiste** un épisode militaire à la fois significatif et symbolique. Adroitement écrit par la débutante Iris Yamashita (secondée par l'expérimenté Paul Haggis) à partir des lettres du général Tadamichi Kuribayashi, Letters from Iwo Jima ne s'est, hélas, que partiellement acquitté de sa mission. Son audience aux Etats-Unis n'a même pas atteint la moitié de celle du précédent, le film (en japonais) recueillant l'essentiel de ses recettes... à l'étranger.
Le général Tadamichi Kuribayashi a été envoyé par l'empereur Hirohito et le premier ministre Hideki Tojo sur la petite l'île d'Iwo Jima pour y organiser et diriger sa défense. Il retrouve sur place le lieutenant-colonel Takeichi Nishi, officier de cavalerie et ancien compétiteur d'équitation aux Jeux Olympiques de 1932. Kuribayashi sait ne pouvoir compter que sur les vingt mille hommes et quelques blindés stationnés à Iwo Jima. La flotte impériale a été détruite par l'ennemi et l'aviation a pour priorité de défendre la métropole. Saigo, un jeune boulanger mobilisé alors que son épouse Hanako attendait un enfant, vient de perdre son ami Kashiwara, victime d'une infection causée par l'eau.
Son camarade Nozaki soupçonne Shimizu Yôichi, ex-policier militaire nouvellement recruté au 312e régiment d'infanterie, d'être chargé de surveiller les comportements antipatriotiques. Contre l'avis de ses officiers subalternes, Kuribayashi fait abandonner les préparatifs sur la plage au profit du percement de galeries dans les trois monts qui dominent l'île. Il renvoie aussi l'amiral Osugi, dont l'hostilité est manifeste et qui a rallié à sa cause le commandant Hayashi, pour le remplacer par son homologue Ichimaru. Les chasseurs américains, venus bombarder les installations nippones, annoncent l'imminence du débarquement des puissantes forces ennemies.
Clint Eastwood, nous l'avions évoqué à propos de Flags of Our Fathers, évite le piège du message niaisement pacifiste. Ce que souligne le cinéaste avec ce film en deux parties, c'est principalement l'intrinsèque absurdité de la guerre, fondée le plus souvent sur l'ignorance, et son dramatique coût humain. Soumis à l'implacable alternative entre courage et lâcheté, les acteurs de cette tragédie sont livrés à un redoutable choix : mourir, par acte de bravoure ou suicide, ou se rendre. Avec ces deux volets très cohérents, qui s'accostent et se répondent, Eastwood gomme aussi les différences fondamentales entre les antagonistes. La peur et les espoirs de ces soldats japonais sont-ils si dissemblables de ceux des Marines US qui leur font face ?
Le scénario sait, pour appuyer son développement, mettre en valeur des éléments subjectivement déterminants. Ayant fréquenté les Occidentaux, Kashiwara ("... Y gâcher des vies, c'est déjà perdre") et Nishi (interlocuteur du soldat Sam de l'Oklahoma), tout en se montrant parfaitement loyaux et patriotiques, connaissent la vanité de cette hostilité de circonstances. Sur le plan de la construction, Letters from Iwo Jima apparaît moins heurté que le précédent, les rares flash-back servant utilement à l'approfondissement de la psychologie de trois des personnages principaux, ne quittant que rarement le champs de bataille. Interprété avec justesse et toujours filmé à hauteur d'homme, il privilégie également davantage l'individu.
___
*seul le second a été sélectionné dans les catégories meilleurs film, réalisation et scénario des Academy Awards.
**ce que ne propose pas Tora! Tora! Tora! malgré la présence de Japonais à la production, au scénario et à la réalisation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire