mercredi 21 mai 2008

We Own the Night (la nuit nous appartient)


"Des fois, j'ai l'impression d'être dans un étau."

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Au rythme d'un film tous les six ou sept ans, James Gray figurait jusqu'à cette année en bonne position sur la liste des cinéastes étasuniens cultivant le mieux sa rareté. Un délai néanmoins assez classique s'agissant de productions indépendantes et d'écriture en solitaire des scénarii. Après Little Odessa, "Lion d'argent"* à Berlin en 1994 et The Yards, ce natif du Queens, petit-fils d'immigrants russes, nous proposait un autre drame criminel et familial prenant New York pour décor. Têtes d'affiche du précédent film, Mark Wahlberg et Joaquin Phoenix y tenaient à nouveau les rôles principaux en plus d'en être les co-producteurs. Sélectionné en compétition au Festival de Cannes 2007, We Own the Night n'a pas connu en France, malgré ses incontestables qualités, un succès commercial comparable à celui rencontré dans son pays d'origine.
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Brooklyn, 1988. Gérant du "El Caribe", un club très couru appartenant au négociant de fourrures russe Marat Boujayev, Bobby Green se rend, en cette veille de Thanksgiving, accompagné de sa petite amie Amada à une petite fête organisée en l'honneur du capitaine de police Joseph Grusinsky. Celui-ci, fils du commandant Albert Grusinsky, n'est autre que le propre frère cadet de Bobby. 'Joe', nommé à la tête d'une nouvelle équipe de lutte contre le trafic de stupéfiants, souhaite obtenir sa collaboration pour appréhender Vadim Nejinski, le neveu de Boujayev, qui tente de s'imposer sur le marché de l'héroïne et opère depuis le "Caribe". Bobby, qui a prit le nom de sa mère pour dissimuler sa parenté avec les deux officiers de police, refuse de coopérer. Le soir même, une descente de police dirigée par Joseph Grusinsky dans l'établissement permet l'arrestation pour détention de drogue d'un des hommes de Nejinski ainsi que celle de Bobby. Le premier, par crainte d'être contraint de parler et surtout de son patron, préfère se trancher la gorge au poste de police. Un peu plus tard, 'Joe' est grièvement blessé au visage devant son domicile par le tir d'un individu masqué. Bouleversé par cette tentative de meurtre, Bobby propose alors à un adjoint de son père d'accepter l'invitation de Nejinski à se rendre, muni d'un micro dissimulé dans un briquet, dans le local où celui-ci prépare sa marchandise.
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Accueilli tièdement par la critique US, We Own the Night a peut-être souffert d'être comparé au remake The Departed de l'autre New-yorkais Scorsese, sorti tout juste un an auparavant. Et/ou de sembler présenter la police de manière trop manichéenne, partisane et affective dans son combat, redoutable à cette époque, contre le crime organisé. James Gray avoue d'ailleurs volontiers avoir eu l'idée initiale du scénario à partir d'une photographie des funérailles d'un policier tué dans l'exercice de ses fonctions parue à la une du "New York Times". Cette orientation, aux aspirations parfois documentaires comme l'atteste le diaporama d'ouverture**, le tournage sur des sites qui puissent témoigner du New York d'avant Rudolph Giuliani et la brève apparition d'Ed Koch, n'affaiblit pourtant en rien les dimensions conceptuelle, thématique*** et artistique du film. Pas plus que l'option délibérée de privilégier les situations, sentiments et dialogues à l'action. Peu de cinéastes actuels possèdent en outre une qualité de narration, notamment par sa structure et son rythme, comme celle dont fait preuve Gray, même si, ici, la tension dramatique se trouve sensiblement diluée. Le choix de Joaquin Phoenix et de Mark Wahlberg, solides acteurs au demeurant, n'apparait également pas le plus pertinent (contrairement à celui d'Eva Mendes et de Robert Duvall!. We Own the Night s'inscrit néanmoins, sans ambages, dans la tradition et vertueuse lignée des State of Grace ou Donnie Brasco toujours célébrés aujourd'hui.
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**de photographies signées Leonard Freed, défunt reporter de l'agence Magnum.
***dominée par ceux de la culpabilité et de la confusion.



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