Succédant à la tragi-comédie Tutti a casa dans la filmographie de Luigi Comencini, ce premier des six films* tournés par le Lombard avec le Castresi Nino Manfredi, bien qu'il fut signé par un éminent quatuor de scénaristes et réunissait une hétéroclite mais efficace distribution, fut un échec lors de sa sortie. La coopérative constituée à cette occasion par Comencini avec le fameux duo Agenore Incrocci-Furio Scarpelli et Mario Monicelli, et qui devait alimenter plusieurs projets en scénarii, notamment celui de L'Armata Brancaleone réalisé par ce dernier seulement cinq ans plus tard, fut pour cette raison dissoute. Drame comique en deux parties, A Cavallo della tigre ne manque pourtant pas d'intérêt, en particulier celle de mettre en évidence la variété chromatique du jeu de Manfredi.
4 juin 1959, aux alentours de Civitavecchia. Poussé par son extrême dénuement, Giacinto Rossi, père de deux jeunes enfants et chauffeur pour une petite société minière d'aluminium, tente de simuler une agression pour s'approprier la recette qu'il transporte. Hélas, le pêcheur de fruits de mer, auquel il demande d'alerter la police, dénonce son forfait et Rossi écope d'une peine de trois ans de détention. Lorsqu'il sort après vingt-huit jours du cachot où il a été enfermé pour avoir brisé le bras du 'Commandant', Mario Tagliabue exerce sur Rossi, désigné aide-soignant de l'infirmerie de la prison, de successives pressions pour obtenir de lui du petit matériel. Le 'Gorille' et ses co-détenus 'Gigino' Campanacci dit 'la Souris' et 'Ciccillo' Papaleo, condamné pour délit d'honneur, ont en effet échafaudé un astucieux plan d'évasion auquel Rossi, à seulement un peu plus de dix mois de sa libération, est contraint de s'associer.
Ce troisième film, après le populaire diptyque Pane, amore e..., produit par Luigi Comencini pour la Titanus était-il trop sombre, trop viril pour attirer un large public ? A la même époque, Dino Risi proposait, il est vrai, deux comédies aux arguments peut-être plus convaincants, Anita Ekberg (citée dans le film) pour l'un ou la politique et le couple Alberto Sordi-Lea Massari pour l'autre. A Cavallo della tigre s'inscrit néanmoins dans le sillon ouvert par I Soliti ignoti, celui de la comédie dramatique férocement réaliste où l'intrigue repose sur un groupe de personnages. Comme le film lui-même, d'abord cantonné dans un espace carcéral puis évoluant vers une sorte de road-movie erratique (pléonasme ?!), c'est le fort contraste entre les quatre individus et leurs interprètes qui nourrit en partie l'intelligent scénario et lui donne ce relief si spécifique. A Cavallo della tigre possède aussi la particularité d'être le premier film italien de l'Allemand Mario Adorf, acteur de deux films de Robert Siodmak au cours de la troisième période de sa carrière. Ce qui n'était pas le cas pour le fameux second rôle français Raymond Bussières, devenu un acteur international dès 1947. Dans son cinquième rôle au cinéma, Gian Maria Volontè donne déjà, enfin, un avant-goût de l'étendu de son singulier talent.
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*auxquels s'ajoute la très réussie mini-série Le Avventure di Pinocchio.
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