mardi 27 mai 2008

Hangmen Also Die! (les bourreaux meurent aussi)


"Et tu te souviendras de moi. Pas seulement parce que j'ai été ton père, mais parce que je suis mort dans ce glorieux combat."

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Deuxième volet de la trilogie antinazie entamée deux ans plus tôt par Fritz Lang, Hangmen Also Die! constitue l'unique collaboration du cinéaste avec le producteur Arnold Pressburger (The Shanghai Gesture), né comme lui dans l'ancienne Autriche-Hongrie, et le célèbre dramaturge Bertolt Brecht ("Die Dreigroschenoper"), tous trois exilés d'Allemagne dès les années 1930. Si le scénario de Man Hunt (Fox) était adapté d'un ouvrage du romancier britannique Geoffrey Household, celui signé par John Wexley* s'inspire librement de l'assassinat de Reinhard Heydrich en mai 1942, spectaculaire et chanceuse action de la Résistance tchèque également à l'origine du Hitler's Madman de Douglas Sirk.
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Protecteur du reich en Bohême-Moravie, Richard Heydrich, dit 'le Bourreau' gouverne le pays d'une main de fer. Pour augmenter la production des usines d'armement, volontairement ralentie par les ouvriers tchèques, Heydrich en confie le contrôle à la gestapo, chargée d'y mener les opérations de répressions nécessaires. Il est, peu après, victime d'un attentat perpétré par un individu aussitôt poursuivi et recherché par la police. Grâce à une indication sciemment erronée d'une jeune femme, l'homme en question échappe provisoirement à une arrestation. Mais ne parvenant pas à trouver un endroit où se réfugier, il se présente, sous la fausse identité de Karel Vanek, au domicile de son alliée de circonstance. Celle-ci, une future mariée prénommée Mascha, l'accueille en inventant une récente rencontre à un concert. La fille du professeur d'université Stephen Novotny et sa famille sont bientôt contraints, en raison de l'entrée du couvre-feu, de retenir leur inattendu visiteur à dîner puis à passer la nuit chez eux. Le lendemain, la gestapo, ne réussissant à appréhender l'auteur de l'attentat, décide de retenir quatre cents otages, parmi lesquels Stephen Novotny, destinés à être progressivement exécutés afin d'obtenir la dénonciation et l'arrestation du meurtrier d'Heydrich.
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"No surrender", expression finale du chant de résistance qui clôt et aurait dû donner son titre au film, atteste bien de l'objectif politique (propagandiste ?) du film, alerter les Etats-unis sur les dramatiques conséquences de l'invasion de l'Europe par les troupes allemandes. Fritz Lang obtient le concours de Bertolt Brecht et les deux émigrés élaborent un récit à partir d'un événement et d'une situation réels. L'attentat contre Reinhard Heydrich, désigné par Hitler à la tête de la jeune république tchécoslovaque occupée, et la bravoure de la population locale soulignée par le film doivent servir d'exemple, apporter la preuve de l'existence d'une résistance crédible et inciter l'opinion publique américaine à la soutenir. Hangmen Also Die! ne revendique évidemment pas le statut d'œuvre historique. Le régime de terreur (persécutions raciales, exécution massives, notamment des intellectuels) instauré par le proche collaborateur d'Himmler, créateur du service de renseignements nazi et co-artisan de la solution finale, n'y est qu'à peine esquissé. La division de la Résistance tchèque et son rapprochement avec l'U.R.S.S. ne sont pas non plus évoqués. Ce dernier point, à peine implicite, servira d'ailleurs d'argument au H.U.A.C. (House of Un-American Activities Commission) pour inscrire John Wexley et le compositeur allemand exilé Hanns Eisler (collaborateur régulier au théâtre de Brecht et nommé aux "Oscars" pour son score) sur leur funeste liste noire.
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Malgré cette vision un peu naïve et édulcorée** ou les quelques faiblesses narratives du scénario, ce septième film de la période US de Lang ne manque pas d'intérêt. On retrouve notamment dans sa réalisation cet expressionnisme symbolique (importance des ombres, caméra détournée du motif principal de l'action) qui contribuait à la puissance suggestive de M. Vecteur thématique essentiel du film, les individualités positives, et par conséquent les acteurs qui interprètent ces personnages (tels Brian Donlevy et Anna Lee, récente tête d'affiche de How Green Was My Valley, dans leur unique film avec le cinéaste) s'effacent au profit du collectif. Y compris le multi-oscarisé Walter Brennan, qui tenait déjà un second rôle dans Fury. Hans Heinrich von Twardowski, ardent antinazi pourtant souvent choisi pour incarner des officiers du reich qui apparaît brièvement au début de Hangmen Also Die!, figurait également dans la distribution (non créditée) d'Hitler's Madman cité précédemment.
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*co-scénariste de Angels with Dirty Faces et collaborateur d'Anatole Litvak, notamment pour Confessions of a Nazi Spy.
**le film souligne néanmoins la brutalité du nazisme et symptomatise l'opportunisme et la corruption du système.

Le scénario développe deux problématiques essentielles qui se répondent : celle brechtienne du sacrifice (celui des otages au profit de la Résistance/du résistant pour sauver l'un d'entre eux sous la pression de l'héroïne, de l'épicière en faveur de cette dernière) qui place le spectateur, comme les personnages concernés, face à un dilemme cornélien. Celle langienne des apparences et de leur trahison, un des thèmes centraux et récurrents du réalisateur.




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