"Nous n'existons pas aux yeux des autres."
L'"arbre" du film d'action ne parvient plus à cacher la "forêt" du cinéma thaïlandais, célébré en France il y a deux ans*, dont la diversité constitue l'un des aspects les plus réjouissants. Film historique, comédie sentimentale et/ou musicale, polar, autant de genres qui ont contribué au renouveau de la production locale à la fin des années 1990 et à l'émergence d'une nouvelle génération de cinéastes dont certains, comme Pen-ek Ratanaruang ou Apichatpong Weerasethakul, ont fait leurs classes aux Etats-Unis. Et le succès international du Sud pralad de ce dernier n'a, par exemple, rien à envier à celui d'un Ong-bak. Le film d'horreur n'est pas en reste puisque, dans le sillage du Nang Nak de Nonzee Nimibutr également auteur de l'un des segments du pan-asiatique San geng, il compte parmi ses principaux animateurs les frères Pang d'origine hong-kongaise et le duo Banjong Pisanthanakun-Parkpoom Wongpoom. Sorti entre Shutter et Alone, Dek hor est le premier vrai** long métrage du trentenaire Songyos Sugmakanan. Une histoire, aux connotations vaguement autobiographiques, d'enfance et de fantômes saluée par le jeune public à Deauville, Berlin et Cannes.
Parce qu'il délaisse son travail scolaire au profit de la télévision, Chatri 'Tôn' Ananpitisuk est envoyé en milieu d'année à l'école Sai-chon Witaya de Chonburi, une petite localité éloignée du domicile de ses parents. L'intégration de ce nouvel élève de sixième, provoquant la curiosité et la défiance chez ses camarades, n'est pas immédiate. Chatri rejoint pourtant, à la demande de Phéng, l'un des plus anciens d'entre eux, le petit groupe constitué de Nui, Sarot, Pok et Teï réuni pour rappeler les événements dramatiques, suicide par pendaison ou noyade, survenus dans l'établissement et à l'origine d'inquiétants phénomènes surnaturels. Pourquoi un jeune pensionnaire s'est-il noyé dans l'ancienne piscine ? Pour quelle raison Mme Prani, la professeur principale de l'école, pleure-t-elle régulièrement devant un tiroir ouvert de son bureau ? Qui est Wichien, ce camarade rencontré par Chatri dans la salle d'eau, le premier matin de réveil tardif ? Et pourquoi celui-ci refuse-t-il obstinément de parler à son père au téléphone ?
Film essentiellement climatique, Dek hor réussit ce délicat mariage, mais souvent si pertinent (au moins depuis Les Disparus de St-Agil jusqu'au récent El Laberinto del fauno), entre enfance et fantastique. Son intrigue prend cependant du temps pour se nouer et se tendre, utilisant pour cela, de manière parfois immodérée, le procédé du flash-back. Moins percutant que Io non ho paura, moins poétique et formellement abouti qu'Innocence, il atteint néanmoins sa cible, celle d'émouvoir plus que réellement effrayer, avec ce récit du passage de l'enfance à l'adolescence. Songyos Sugmakanan, lui aussi placé contre son gré dans un pensionnat par son père, y développe les thèmes de l'abandon, de l'éveil de la sexualité, de la révélation de la mort et de la tentation fantasmatique de commun(icat)ion entre esprits. Il réalise également avec Niramol Ross, sa directrice de la photographie (collaboratrice de Pisanthanakun-Wongpoom), un joli travail visuel en opposant méthodiquement la foule à la solitude, les espace occupés et vides. Si l'on s'affranchit provisoirement de nos a priori occidentaux et passe sur les quelques maladresses de mise en scène***, Dek hor se révèle une bonne surprise.
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*successivement avec un cycle dédié au cinéma thaïlandais proposé par Arte puis par la Cinémathèque française en juin et septembre 2006 auquel s'ajoute la rétrospective consacrée aux années 1970 par le Festival d'Amiens en novembre.
**Fan chan était une œuvre collective, réalisé avec ses camarades d'université.
***notamment de continuité. En revanche le remake très partiel de la comédie horrifique hong-kongaise Geung si sin sang inséré dans le métrage est assez bluffant !
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