dimanche 25 mai 2008

La Face cachée


"... L'essentiel c'est que tu y prennes du plaisir."

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Et voilà ! Vous, spectateurs français, vous êtes précipités (enfin, sans réel débordement !) aux séances de L'Invité ou de 28 Weeks Later* en salles et, de ce fait, avez pour la plupart raté un petit bijou de subtilité et d'intelligence intitulé La Face cachée. En parlant de face cachée, le plus discret des "Inconnus" a longtemps bien dissimulé son jeu, même si l'on pouvait discerner, dès cette époque, chez Bernard Campan un potentiel dramatique certain. Révélée par Zabou Breitman, corroborée chez Jean-Pierre Améris et Bertrand Blier, ce talent faussement antipodal s'affirme dans ce premier film écrit et réalisé en solo dans lequel l'ancien comique n'hésite pas à aborder, avec doigté, un sujet grave.
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Couple sans enfant, Isa(belle) et François mènent une vie apparemment sans problèmes ni relief particuliers. Lui passe l'essentiel de ses week end à bricoler un placard dans l'entrée de leur appartement. Elle sort souvent avec son amie Babeth. Il a le sentiment de n'être que le témoin de son existence et redoute la mort, elle a souvent des pannes de mémoire et se sent très régulièrement fatiguée. Ils s'aiment sans réellement parvenir à donner à l'autre un gage solide de cet attachement. Remarquant chez François la présence du vieux piano récupéré chez sa mère par celui-ci, Xavier demande avec insistance à son ami d'enfance d'accepter de jouer un morceau à l'occasion de la cérémonie religieuse de son prochain mariage avec Christine. François se voit alors contraint de travailler la partition qu'il connaît le mieux, celle d'une délicate fugue de Bach.
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Les productions françaises qui osent, dans le contexte général et cinématographique actuel, sortir des sentiers rebattus de la comédie ou de l'action sont assez rares pour être encouragées et remarquées. Surtout lorsqu'elles s'accompagnent d'une telle exigence et qualité artistiques. Grâce soit donc rendue à Philippe Godeau, à l'origine du projet, et Jaco van Dormael (précédemment réunis pour Le Huitième jour), les producteurs du film de Bernard Campan. Le mérite principal de ce dernier est d'avoir réussi à s'approprier l'idée de départ et d'en faire une œuvre authentiquement personnelle. Empathique, solidement structuré (en quatre parties), rythmé et maîtrisé sur le plan de la narration ou de la réalisation, La Face cachée se révèle être, en quelque sorte, un surprenant et émouvant "Nous vieillirons ensemble" (en détournant le titre d'un fameux film du début de la carrière de Pialat). En privilégiant la simplicité et la sincérité, Campan parvient à régénérer des thèmes (le couple, la vieillesse**, l'angoisse de la mort, de la vie, l'irréalité...) réputés éculés. Aux côtés d'une toujours constante Karin Viard et d'un autre Tourangeaux, Jean-Hugues Anglade, convaincant, sa prestation d'acteur ne souffre pas, bien au contraire, de l'autre rôle assumé sur le film.
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*ou avez continué à voir The Bourne Ultimatum, en tête du box-ffice de la semaine en question.
**le script fait à plusieurs reprises référence au mythe grec de Philémon et Baucis rapporté par Ovide dans "Les Métamorphoses".

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