"Impossible d'oublier une telle respiration."
Après le sanglant mais excellent giallo Profondo rosso, Dario Argento se lance avec le remarquable Suspiria dans un triptyque* inspiré par un ouvrage publié en 1845 de l'écrivain britannique Thomas de Quincey, "Suspiria de Profundis". Ce sixième film, qui revisite profondément l'horri-fantastique, a contribué à asseoir la réputation et le style du cinéaste romain dans son pays et au plan international. Il est l'un des premiers du genre, au moins en Europe, à allier avec autant de soin effroi et esthétique, faisant de la beauté des décors un paradoxal mais puissant vecteur d'une menace sous-jacente.
La jeune danseuse classique Susy Benner a quitté New York pour compléter sa formation au sein d'une célèbre académie de Fribourg. A sa sortie de l'aéroport, un terrible orage nocturne frappe la localité de Bade-Wurtemberg. Arrivée devant le bâtiment qui abrite l'école Tanz, elle croise fugitivement une jeune femme terrorisée qui s'enfuit presque aussitôt à travers le bois proche malgré la forte pluie. Susy, inconnue de la personne répondant à l'interphone, n'est pas autorisée à pénétrer dans la bâtisse et reprend son taxi pour chercher une chambre de fortune. Pendant ce temps, l'élève en fuite nommée Pat Ingle a trouvé refuge chez son amie Sonia. Mais l'une et l'autre sont bientôt atrocement assassinées. Le lendemain, Susy retourne à l'académie et apprend la mort de la jeune femme croisée au cours de la nuit et renvoyée de l'établissement pour mauvaise conduite. Elle rencontre également et devient la camarade d'une autre élève, Sara, l'amie de la récente victime.
Plus que le scénario signé par Dario Argento et Daria Nicolodi**, sa compagne à cette époque et la mère d'Asia, somme toute assez peu novateur, c'est évidemment sur la direction artistique et la bande-son que repose l'essentiel de la force suggestive de Suspiria. Le souci minutieux du détail, l'utilisation majoritaire de couleurs primaires, rouge, bleu, parfois vert, participent à créer une atmosphère inédite, oppressante, déroutante dans la mesure où elle sert d'écrin précieux à une violence primitive, voire bestiale. Aux côtés de l'étasunienne Jessica Harper, la vedette féminine de Phantom of the Paradise, la distribution est elle aussi ciselée avec la présence d'Alida Valli et de Joan Bennett, interprète de Fritz Lang, cinéaste tant apprécié par Dario Argento, ainsi que d'Udo Kier que l'on retrouvera dans La Terza madre, le troisième volet du triptyque quinceyien.
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*"Le Tre madri", composé également de Inferno et du tout récent La Terza madre.
**qui aurait dû tenir le rôle principale, proposé également à Tina Aumont. L'intention initiale du réalisateur était de composer son casting avec de jeunes filles de moins de douze ans, une idée repoussée par les producteurs, en l'occurrence le père et le petit frère de Dario, pour éviter la censure.
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