"- C'est absurde !
"- Invraisemblable !"
Avant de tourner ce premier long métrage, Hiroshi Teshigahara avait surtout réalisé de courts documentaires, notamment sur le graveur-estampiste Katsushika Hokusai ou sur le Ikebana (art de la composition florale)
dont son père, Sofu, était devenu dès 1929 un des grands maîtres.
Première des cinq collaborations avec l'écrivain et militant communiste Kobo Abe, Otoshiana
a contribué à l'étiquetage du cinéaste dans le courant avant-gardiste
du cinéma nippon du début des années 1960. Un catalogage revendiqué,
évidemment influencé par la musique de son ami Tôru Takemitsu, futur compositeur de films de Masaki Kobayashi, Masahiro Shinoda ou Akira Kurosawa.
Deux
ouvriers, l'un accompagné de son jeune fils, quittent la petite mine de
charbon qu'ils exploitent pour un particulier sans recevoir de salaire
afin de chercher un travail rémunéré. Ils sont bientôt recrutés comme
journaliers par une entreprise portuaire. Le soir du premier jour, un
contremaître propose un autre emploi au père du jeune garçon, lui
remettant un plan pour se rendre à l'endroit en question. L'homme arrive
dans village minier abandonné par ses habitants à l'exception d'une
modeste marchande de friandises. Pendant que son fils erre dans la
nature, il est soudainement suivi puis mortellement poignardé par un
étrange homme vêtu de blanc.
La parenté avec le film suivant, Suna no onna, est manifeste et frappante. Tout en conservant un style réaliste très marqué, le documentariste Hiroshi Teshigahara
parvient, sans moyens spectaculaires, à insuffler à ce scénario
original et social une dimension fantastique et surréelle très
pertinente. Otoshiana
bouscule et opacifie également volontiers les valeurs classiques
habituellement représentées au cinéma. Dans la géométrie de sa mise en
scène, son mouvement de va-et-vient régulier entre plans larges et
serrés, Teshigahara
brouille les pistes et égare volontairement le spectateur, une
sensation notoirement renforcée par le score expérimental, d'inspiration
cagienne (John) ou webernienne, de Tôru Takemitsu. Incontestablement un surprenant et très engageant premier film de fiction.
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