jeudi 22 novembre 2007

L'Avocat de la terreur


"... On ne doit jamais franchir la ligne blanche, parce qu'à ce moment là, nous devenons vulnérables ."

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Personnage controversé, énigmatique quoique médiatique, Jacques Vergès suscite en général davantage le pathos que l'èthos. Cela n'a rien d'étonnant puisque cette forme de rhétorique est la plus employée dans leurs plaidoiries par les avocats et par ce singulier juriste en particulier. Ce fils d'institutrice vietnamienne et de docteur et politicien réunionnais tenterait-il, par son obsession démonstrative, d'élever sa discipline au rang d'esthétique ? Le sulfureux biographe et essayiste Bernard Violet et le juge Thierry Jean-Pierre, qui a consacré un livre aux frères Vergès, avancent des hypothèses bien différentes. Le propos de Barbet Schroeder, à travers son long documentaire sur et avec le défenseur de Klaus Barbie, apparaît plus contrasté. Présenté cette année à Cannes dans la section "Un certain regard", L'Avocat de la terreur relate dans le détail et éclaire les "grandes pages" de la carrière de Vergès entamée après la Seconde Guerre mondiale mais ne parvient par réellement à élucider le théâtral mystère qu'aime entretenir l'avocat inscrit au barreau de Paris sous la n° de toque D1510.
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C'est avec la défense des militantes féminines du FLN, notamment Djamila Bouhired qui deviendra son épouse, que débute cet invraisemblable mais pourtant véritable parcours du combattant judiciaire Jacques Vergès. Après la libération de l'Algérie et une rencontre avec Mao, l'avocat embrasse à la barre la cause des activistes du FPLP, puis celle de la RAF (fraction armée rouge) allemande avant d'accepter de défendre le "Boucher de Lyon" Barbie au cours du procès de 1987. Ses relations, également obscures, avec le dictateur khmer Saloth Sar, alias Pol Pot, et ceux nombreux du continent africain ne sont en revanche qu'évoquées.
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A la question d'un journaliste du "Figaro magazine" à propos de L'Avocat de la terreur en juin dernier, Jacques Vergès répondait avec sa légendaire modestie : "c'est un pur chef-d'œuvre, qui doit plus à Jacques Vergès qu'à Barbet Schroeder." Et d'ajouter : "B. Schroeder a cru bon d'ajouter à mon témoignage des histoires que j'estime sans intérêt et indignes d'un créateur." Ces affirmations péremptoires en disent presque autant sur le personnage que le documentaire de plus de trois heures et quart. Celui qui cite volontiers Montaigne, Diderot ou la Révolution française et essaie, cigare à la main, de passer pour un individu détesté parce qu'incompris et néanmoins charmeur ou spirituel tient à rester en permanence le "maître du jeu", déniant à quiconque d'apporter une petite musique discordante à sa partition qui tient davantage de celle d'une fanfare que d'un orchestre symphonique. Outre les rappels historiques et l'importante documentation réunie, notamment à travers les témoignages et contributions diverses, le principal mérite du film de Schroeder est de nous le montrer, dans la durée, sous son vrai jour, c'est à dire celui d'un personnage fat et "installé", dont la fascination qu'il est censé exercer apparaît comme purement artificielle et sophistique. L'Avocat de la terreur permet aussi de mettre en évidence l'incroyable patchwork tissé par ses relations amicales et professionnelles, composé d'anticolonialistes, d'anciens ou de néo-nazis, de révolutionnaires de gauche allemands, de caricaturiste politique et de mercenaires terroristes.

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