"- Vous souriez. Pourquoi ne hurlez-vous pas ?
- Je hurle. Mais vous n'entendez pas."
Trois ans et cinq films, parmi lesquels Written on the Wind, séparent All That Heaven Allows et A Time to Love and a Time to Die. Douglas Sirk est notamment retourné en Allemagne pour le tournage de certains parties d'Interlude. L'adaptation du roman publié en 1954 de son compatriote Erich Maria Remarque, "Zeit zu leben und Zeit zu sterben",
lui donnera à nouveau l'occasion de s'y rendre à nouveau pour produire
l'une des œuvres les plus personnelles de sa carrière hollywoodienne.
Sélectionné à la Berlinale 1958, dont le jury était présidé par Frank Capra, le film fut très modérément apprécié dans le pays natal du réalisateur. "On
a jugé incongru que l'exilé que j'étais ait eu l'audace de prétendre
montrer ce qu'avaient vécu les allemands pendant la guerre" déclarait alors celui qui avait préféré, dès décembre 1937, aller vivre en Suisse.
Fin
de l'hiver 1944. Sur le front germano-russe, l'armée allemande connaît
de lourdes pertes et opère un repli. La quatrième compagnie à laquelle
appartient Ernst Graeber s'arrête dans un village détruit où les soldats peuvent enfin prendre un peu de repos. Graeber
et quelques autres sont néanmoins désignés pour fusiller des civils
russes capturés. Profondément traumatisé par ce qu'il a vécu au cours
des derniers jours, le jeune Hirschland se suicide malgré le peu de
réconfort apporté par Graeber, sur le point de partir en
permission pour trois semaines. Lorsqu'il arrive dans la quartier de
Werden, sa ville natale où il n'est pas revenu depuis deux ans, Graeber
constate qu'il est en grande partie en ruines après plusieurs
bombardements. Ses démarches ne lui permettent pas de savoir si ses
parents ont survécu et, dans cette hypothèse, à quel endroit ils
pourraient se trouver. Le permissionnaire tente alors de se renseigner
auprès du médecin de la famille, le docteur Bernard Kruse. Mais celui-ci a été envoyé en camps de travaux forcés et il rencontre sa fille Elizabeth
qu'il n'a pas vu depuis sept ans. La jolie jeune femme, susceptible et
d'abord sur ses gardes, se laisse doucement apprivoiser par son ancien
camarde de classe.
On a souvent dit qu'à travers le parcours du personnage d'Ernst Graeber, Douglas Sirk
avait d'une certaine manière fantasmé les dernières semaines de la vie
de son fils, l'acteur Klaus Detlef Sierck embrigadé dans le nazisme par
la première épouse du réalisateur, qu'il n'avait jamais pu revoir
jusqu'à sa mort en mars 1944 sur le front ukrainien. L'ouvrage d'Erich Maria Remarque dont est tiré le film ne possède pas les qualités du célèbre "Im Westen nichts neues" paru en 1929. A Time to Love and a Time to Die n'atteint pas non plus celles de la version de Lewis Milestone du All Quiet on the Western Front, ni même du A Farewell to Arms hémingwayen de Frank Borzage.
La charge contre la violence, l'absurdité et l'immoralité* du régime
hitlérien et de la Seconde Guerre mondiale, la dialectique obéissance et
responsabilité, la confusion des sphères privée et publique ou la
renaissance sont sensiblement dominées par le drame sentimental et le
caractère éphémère du bonheur, un thème souvent développé par Sirk.
L'ambition du film, très hollywoodien dans ses conception et
réalisation, reste donc limitée, ne pouvant en outre capitaliser sur des
interprètes de premier plan. Rock Hudson en "vacances" hawaïennes avec Cyd Charisse, Paul Newman finalement peu emballé par le rôle principal, Universal le remplace par le méconnu John Gavin aux côtés de la rayonnante, quoique née suisse, Liselotte Pulver, surtout actrice jusque là de productions germaniques à l'exception de sa participation aux Aventures d'Arsène Lupin de Jacques Becker.
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*"profitez de la guerre, la paix sera terrible", "... Il faut
qu'elle (la guerre) soit perdue pour que notre pays retrouve son âme".
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