mercredi 15 mars 2006

Jin yu man tang (le festin chinois)


"- Tu as déjà fait du pain ?
- Non, j'étais coiffeuse."

A tort plus qu'à raison, on connaît davantage le producteur et réalisateur Tsui Hark pour ses films d'action, genre avec lequel il a débuté au début des années 1980 ou qui, comme Die xue shuang xiong de John Woo, ont affermi sa réputation. Mais Do ma daan et Hua yue jia qi étaient déjà des comédies. Avec Jin yu man tang, une commande pour les traditionnelles fêtes de la nouvelle année lunaire, il abandonne le wuxia et passe la vitesse supérieure dans la folie narrative. Pour la plus grande joie des amateurs de films échevelés, non conventionnels ni complexés, tout en restant parfaitement... léchés !
Au Diaoyutai Hotel de Pékin se déroule la finale d'un concours de cuisine qui a duré trois mois. Les deux prétendants au titre de meilleur cuisinier chinois sont maître Liu Kit de Canton et le représentant d'un restaurant de Hong-Kong, Lung Kwan Bo. Le second gagne l'épreuve de la cuisson du riz, le premier celle de la sculpture avec un remarquable ensemble de personnages bouddhistes réalisé en fromage de soja. La dernière, celle d'un plat à base de poisson, sera donc décisive. Mais averti par téléphone, Liu choisit d'abandonner la compétition pour rejoindre son épouse Cheuk Bing en salle d'accouchement.
Trop tard, car celle-ci a déjà donné naissance à leur fils et rédigé une lettre de rupture destinée au père du nourrisson, accaparé par son métier et sa passion. Cinq ans plus tard, se tient à Hong-Kong un autre concours, celui de recrutement de chefs pour l'Hotel Mandarin de Toronto. Parmi les postulants, Sun, appartenant à une équipe d'usuriers, sans aucun talent culinaire mais bien décidé à suivre sa fiancée partie au Canada. Eliminé pour avoir triché, Sun est abordé dans le hall d'un hôtel par Lung qui, par malice, le recommande à M. Au Siu Fung, le patron du restaurant Qing Han.
Vous l'avez compris, Jin yu man tang ne possède pas de réel point commun avec le danois Babettes gæstebud. Sauf, peut-être la jubilation et la délectation qu'ils créent, dans des styles spécifiques, chez leurs spectateurs. Les ingrédients du film de Tsui Hark sont évidents : total délire et humour débridé. Et cela fonctionne bien. Visiblement inspiré par la bande dessinée et les cartoons, le cinéaste, doté d'un authentique talent pour ce genre difficile qu'est la comédie, compose à la sauce slapstick un soufflée qui ne retombe pas* grâce ou malgré les nombreux rebondissements et contre-pieds narratifs. Cette triple histoire d'amour (dont une filiale) et de mets est particulièrement bien servie par un casting épatant, dominé par l'hyperactive Anita Yuen et par l'étonnante polyvalence de Leslie Cheung, dans un registre bien différent de celui du Dung che sai duk de Wong Kar-waï dont il sortait.
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*sauf pendant la séquence musicale en flash-back de la version originale, mais qui sert, a posteriori, comme un utile rappel des multiples épisodes précédents. 

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