mardi 28 mars 2006

Enron: The Smartest Guys in the Room (enron)


"... Une synergie de corruption."

On ne le sait pas assez, mais deux attaques terroristes ont eu lieu en 2001 sur le territoire étasunien. La première, qui n'a échappé à personne, a fait près de trois milles victimes en septembre et brièvement secoué l'économie nationale. La seconde, longuement préparée par des criminels de l'intérieur et dévoilée en décembre à Houston (Texas) par la retentissante faillite de la firme Enron a touché plus de vingt mille personnes (employés) et, de manière collatérale, quelques millions d'actionnaires supplémentaires. L'onde de choc de cette monumentale escroquerie s'est répercutée dans l'ensemble du monde des affaires, en particulier en créant le doute sur la prétendue transparence des informations communiquées par les entreprises. Suspicion confirmée en mars 2003 par une affaire un peu similaire, celle du groupe français Vivendi Universal au bord de la banqueroute. Et dont la situation était qualifiée, quelques temps auparavant, par son médiatique président de "mieux que bien !"
Remarquable et effrayant ! Ou est-ce l'inverse ? Le documentaire d'Alex Gibney*, qui s'appuie sur l'ouvrage "The Smartest Guys in the Room: The Amazing Rise and Scandalous Fall of Enron" de Bethany McLean et Peter Elkind, décompose** les rouages de cette mécanique insensée, conduisant à la chute de la septième entreprise US qualifiée de "modèle" par la revue "Fortune", par le rappel précis et documenté de la chronologie des événements. En particulier grâce aux précieux témoignages d'acteurs et de témoins de ce désastre financier doublé d'une authentique tragédie humaine. Le parti pris de dramatisation est délibérément assumé par Gibney (par ailleurs scénariste de The Trials of Henry Kissinger et producteur de la série The Blues***) tout en y associant une tonalité de comédie, notamment par les choix visuels et musicaux.
Cette histoire réelle qui dé(sur)passe la fiction, remake pathétique de Un Genio, due compari, un pollo(les protagonistes reconnaîtront leur personnage !), illustre de manière saisissante le revers du rêve américain, de ce libéralisme sauvage fondé sur la déréglementation lorsqu'il n'est pas contrôlé par le pouvoir législatif et exécutif****. Après Fahrenheit 9/11, Enron constitue, de ce point de vue mais de manière plus allusive, une nouvelle accusation contre les dérives de l'administration Bush. Deux épisodes de ce film, globalement très bien construit, doivent impérativement être connus du plus grand nombre. Celui de l'incroyable guerre de l'énergie en Californie et les images de l'"expérimentation Milgram" destinée à mettre en évidence la cruauté potentielle de l'individu lorsqu'il est soumis à une autorité officielle. Electrisant !! 
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*nommé aux Academy Awards et "meilleur documentaire" de la Writers Guild of America.
**sans entrer dans le complexe détail de l'hallucinant 'monopoly' grandeur nature imaginé par le directeur financier Andrew Fastow.
***élément apportant un début d'éclaircissement sur la composition de la bande musicale.
****et dont les malversations sont cautionnées par les banques, les avocats et les cabinets d'audit.

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