"... Indigne de son rang."
Revenu
de Mandchourie, où il était parti juste avant la fin du conflit
opposant la Chine au Japon pour conseiller le cinéma
post-révolutionnaire local, Tomu Uchida est recruté par la Tôei, studio pour lequel il réalisera la même année (1955), seize ans après le précédent, trois films dont Chiyari Fuji, un jidai-geki influencé par ces années passées loin de l'empire récemment défait. Un an après Shichinin no samurai de Kurosawa,
le film est un modèle de lyrisme dialectique plus qu'un pur film de
samouraï. S'y opposent, en effet, progressisme et nostalgie, humanisme
et nationalisme, placidité et violence contribuant à faire de cette
première œuvre de la seconde période du cinéaste une des plus
intéressantes de sa filmographie.
Le samouraï Sawaka Kojuro effectue un important voyage depuis Okasaki jusqu'à Edo. Il est accompagné par son lancier Gonpachi et son serviteur Genta,
les deux hommes étant également chargés par la mère de leur maître
d'empêcher celui-ci de boire de l'alcool pendant le trajet. En chemin,
alors que rôde le brigand Rokuémon, Gonpachi rencontre le jeune et débrouillard orphelin Jiro qui souhaite devenir lancier comme lui. Leur destin va croiser ceux d'autres voyageurs, Okin et sa mère, artistes de rue, Otané et son père Yomosaku ou encore Tozaburo, muni d'une forte somme d'argent, qui suivent la même route et s'arrêtent dans les mêmes auberges.
Sorti la même année que Shin heike monogatari et Yôkihi, les pénultièmes œuvres de l'ami Kenji Mizoguchi ou que Ukigumo de Mikio Naruse, Chiyari Fuji
affiche son caractère non-conventionnel dès la scène d'ouverture.
Située sur la célèbre Tôkaidô, cette longue route reliant Kyoto à Edo (Tokyo aujourd'hui)
notamment illustrée par les estampes d'Hiroshige, elle ne laisse
d'emblée planer aucun doute sur la tonalité tragi-comique qui
accompagnera le récit. Cette remise en cause des conventions, en
particulier sociales, est également, avec les thèmes de la loyauté et de
la justice, l'un des ressorts narratifs du film. Outre la grande
sobriété et la réelle qualité graphique de sa mise en scène, Tomu Uchida
sait ménager des respirations qui s'apparentent peut-être à une
certaine nostalgie du réalisateur pour le cinéma muet et son
expressionnisme.
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