mercredi 22 mars 2006

Chiyari Fuji (le mont fuji et la lance ensanglantée)


"... Indigne de son rang."

Revenu de Mandchourie, où il était parti juste avant la fin du conflit opposant la Chine au Japon pour conseiller le cinéma post-révolutionnaire local, Tomu Uchida est recruté par la Tôei, studio pour lequel il réalisera la même année (1955), seize ans après le précédent, trois films dont Chiyari Fuji, un jidai-geki influencé par ces années passées loin de l'empire récemment défait. Un an après Shichinin no samurai de Kurosawa, le film est un modèle de lyrisme dialectique plus qu'un pur film de samouraï. S'y opposent, en effet, progressisme et nostalgie, humanisme et nationalisme, placidité et violence contribuant à faire de cette première œuvre de la seconde période du cinéaste une des plus intéressantes de sa filmographie.
Le samouraï Sawaka Kojuro effectue un important voyage depuis Okasaki jusqu'à Edo. Il est accompagné par son lancier Gonpachi et son serviteur Genta, les deux hommes étant également chargés par la mère de leur maître d'empêcher celui-ci de boire de l'alcool pendant le trajet. En chemin, alors que rôde le brigand Rokuémon, Gonpachi rencontre le jeune et débrouillard orphelin Jiro qui souhaite devenir lancier comme lui. Leur destin va croiser ceux d'autres voyageurs, Okin et sa mère, artistes de rue, Otané et son père Yomosaku ou encore Tozaburo, muni d'une forte somme d'argent, qui suivent la même route et s'arrêtent dans les mêmes auberges.
Sorti la même année que Shin heike monogatari et Yôkihi, les pénultièmes œuvres de l'ami Kenji Mizoguchi ou que Ukigumo de Mikio Naruse, Chiyari Fuji affiche son caractère non-conventionnel dès la scène d'ouverture. Située sur la célèbre Tôkaidô, cette longue route reliant Kyoto à Edo (Tokyo aujourd'hui) notamment illustrée par les estampes d'Hiroshige, elle ne laisse d'emblée planer aucun doute sur la tonalité tragi-comique qui accompagnera le récit. Cette remise en cause des conventions, en particulier sociales, est également, avec les thèmes de la loyauté et de la justice, l'un des ressorts narratifs du film. Outre la grande sobriété et la réelle qualité graphique de sa mise en scène, Tomu Uchida sait ménager des respirations qui s'apparentent peut-être à une certaine nostalgie du réalisateur pour le cinéma muet et son expressionnisme. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire