"Des yeux pour ne point voir, des oreilles pour ne point entendre."
A peu près au moment où Raoul Ruiz entreprend de porter à l'écran La Vocation suspendue, le premier roman de Pierre Klossowski, Pierre Zucca adapte avec l'écrivain, essayiste et peintre deux volets de son triptyque intitulé "Lois de l'hospitalité", "Roberte, ce soir" (1954) et "La Révocation de l'Edit de Nantes" (1959). Dans l'hypothèse où vous auriez eu la curiosité de lire ces ouvrages sans y rien comprendre, Roberte
ne constitue en rien une séance de rattrapage. Le film est au moins
aussi déroutant et hermétique que ces derniers, un argument décisif pour
ceux qui trouvent le cinéma actuel trop... simpliste.
Roberte,
élue députée sous "l'invraisemblable" IVe République et désignée
présidente de la commission de la censure à la Chambre, est l'épouse d'Octave,
un homme âgé, catholique et professeur de droit canon. Les convictions
de ce dernier ne l'empêchent d'ailleurs pas de goûter les toiles quelque
peu licencieuses d'un certain Frédéric Tonnerre dont Roberte est, à son corps défendant, le modèle privilégié. Madame la parlementaire décide de retirer son neveu Antoine,
dont le précepteur vient d'être renvoyé, de l'institution religieuse où
il est scolarisé pour le confier à un établissement laïc. De son côté, Vittorio, le fournisseur de tableaux d'Octave, ourdit un singulier attentat contre Roberte qu'il a brièvement connue à Rome en 1944.
"Hors du commun" Klossowski ? Assurément. Le frère de Balthus et traducteur de Nietzsche, Hölderlin ou Wittgenstein qui avouait volontiers l'influence qu'avait exercé sur lui Sade,
réécrivait à l'aune des préceptes idéologiques de la second moitié du
XXe siècle l'ancienne et grande controverse théologique entre
protestantisme et catholicisme. Un débat dans lequel le charnel pourrait
tenir lieu d'arbitre. Il acceptait également de prêter son concours,
aux côtés notamment de sa muse Denise Morin-Sinclaire, à la mise en scène, sous forme de tableaux successifs, de cet insolite (insensé ?)
conte érotico-fantasmatique en y interprétant le personnage le plus
trouble, le moins défini d'un scénario pourtant obsessionnel. Dans
l'hétéroclite distribution figurent aussi Martin Loeb, le jeune héros de Mes petites amoureuses de Jean Eustache (sur lequel opérait le photographe Pierre Zucca), Barbet Schroeder, Jean-François Stévenin ou Frédéric Mitterrand.
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