"... Mystérieuse dans sa tête, pas dans son cœur."
Au cours de la seconde moitié des années 1990, Ken Loach réalise coup sur coup deux films sur fond de guerres civiles situées dans des pays hispanophones. Le premier, Land and Freedom, marque la fin de sa collaboration, initiée en 1969, avec Jim Allen. Carla's Song, le second, résulte en grande partie de sa rencontre avec Paul Laverty,
devenu son scénariste attitré jusqu'à aujourd'hui. Né à Calcutta d'un
père écossais et d'une mère irlandaise, cet avocat diplômé de
philosophie, a en effet, au milieu des années 1980, passé près de trois
ans au Nicaragua au sein d'une organisation humanitaire. Laverty
s'intéresse particulièrement aux violations des droits de l'homme
pendant le conflit qui oppose le gouvernement révolutionnaire sandiniste
aux contras soutenus et armés par les Etats-Unis. L'histoire de cette
coproduction européenne puise une partie essentielle de son contenu dans
cette expérience latino-américaine.
Glasgow, 1987. Machiniste de la compagnie locale d'autobus, l'insoumis George Lennox
vient en aide à une passagère étrangère contrôlée sans ticket,
provoquant sa mise à pied pendant une semaine par sa hiérarchie. Pendant
ce congé forcé, la jeune femme se présente en bas de chez George pour le remercier et lui offrir un petit cadeau. Au café où il l'a invitée, la fuyante Nicaraguayenne prénommée Carla
consent à lui donner son numéro de téléphone, qui se révèle faux. Au
cours de l'une de ses rotations en bus, il l'aperçoit bientôt donner un
spectacle dansé dans la rue la suit jusqu'à chez elle, provoquant son
expulsion du misérable foyer où elle habite. George emmène alors Carla chez son bon ami Sammy, auquel il demande de l'héberger, et ils ne tardent pas à devenir amants, au grand désarroi de Maureen, la future épouse de George. Peu après, ce dernier découvre son amie se vidant de son sang dans la baignoire. Carla a tenté de se suicider, entourée d'une partie de la correspondance reçue de son pays.
Carla's Song, sélectionné à la Mostra 1996 et candidat au "Alexander Korda Award" (BAFTA)
1997*, arrive un peu après la bataille. Sur le plan géopolitique, un
conservateur, ancien somoziste, va devenir président du Nicaragua
quelques mois après la sortie du film, succédant à une coalition
libérale vainqueur des sandinistes aux élections de février 1990. Il
clôt également sur les écrans une vague de productions
cinématographiques, telles que Missing de Costa-Gavras, l'excellent The Killing Fields du compatriote Roland Joffé ou encore Salvador d'Oliver Stone,
dans lesquelles des dictatures et/ou le rôle de la C.I.A. sont
dénoncés. Le drame sentimental et psychologique y prend d'ailleurs le
pas sur l'aspect proprement politique, assez peu développé dans la
seconde partie de ce métrage d'un peu plus de deux heures, notamment à
travers le personnage d'agent US repenti tenu par Scott Glenn. Ken Loach
met surtout en évidence le choc des cultures et l'inaptitude des
ressortissants occidentaux à jouer un rôle positif dans un conflit qui
les dépasse. Honorable prestation de l'Ecossais Robert Carlyle, déjà à l'affiche de Riff-Raff et acteur la même année de la comédie réussie de Danny Boyle, Trainspotting.
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*attribué à Secrets & Lies de Mike Leigh.
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