mardi 2 octobre 2007

Anna M.


"... C'est quoi l'amour raisonnable ?"

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Sept années se sont écoulées depuis La Parenthèse enchantée, seulement interrompues par l'adaptation du thriller psychologique de la Britannique Ruth Rendell, "A Sight for Sore Eyes", pour son acolyte Gilles Bourdos. Sept ans de réflexion et de travail permettant à ce projet longuement élaboré par Michel Spinosa de devenir cet étonnant et troublant, voire dérangeant Anna M. Présenté cette année en sélection officielle (section "Panorama") à la Berlinale, ce troisième film du cinéaste est aussi le premier en collaboration avec Patrick Sobelman, le producteur de Sólveig Anspach, de Lucas Belvaux et du premier long métrage de Lucile Hadzihalilovic notamment.
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Employée à la Bibliothèque nationale de France où elle restaure de vieux documents et manuscrits, Anna connaît une existence sans relief, seulement entourée de sa mère Gisèle M., avec laquelle elle partage son appartement, et de son petit lévrier. Sa solitude sentimentale et sexuelle pèsent particulièrement sur cette jeune femme réservée mais qui sait pourtant se montrer sociable. Un soir, alors qu'elle promène son chien, Anna se fait délibérément percutée par une automobile en traversant la chaussée. Hospitalisée, elle est opérée à la jambe droite par le docteur André Zanevsky. Le chirurgien suit également avec écoute et gentillesse le rétablissement de sa patiente. D'inhabituels marques d'attention pour elle qui la convainquent presque aussitôt d'être aimée par son médecin. Pour le rencontrer, Anna tente d'abord d'anticiper les dates de consultation, provoque une rencontre dans une librairie et dans un café. Puis elle le suit jusqu'à chez son domicile, accompagné de son épouse, propriétaire d'une boutique d'antiquités.
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Inspiratrice de nombreux films, dont certains ont marqué l'histoire du cinéma(1), la folie est aussi un thème délicat à traiter à l'écran. François Ozon l'avait effleuré avec subtilité dans l'obsédant Sous le sable. Après quelques autres réalisateurs(2), Michel Spinosa signe un remarquable scénario dominé par une étrange pathologie, presque exclusivement féminine : l'érotomanie, un des sujets de la thèse de médecine consacrée aux psychoses paranoïaques d'un certain Jacques Lacan(3). L'intelligence du cinéaste est de l'aborder sans explicitation, ménageant une progression dramatique, associée aux trois phases de la symptomatologie(4), proche de celle d'un thriller. Il tisse finement ensemble les périodes de crise et de répit où s'invitent sporadiquement mais avec force l'ellipse, le subjectivisme clinique et le fantastique. Et surtout Anna M., c'est Isabelle Carré dont le talent dans ce rôle ingrat et périlleux ressort avec éclat. La belle interprète de La Femme défendue et de L'Hiver sous la table, invitée régulière de la cérémonie des "César" depuis 1992, apparaît de plus en plus comme une des meilleures comédiennes françaises, digne héritière de Romy Schneider et d'Isabelle Huppert.
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2. Clint Eastwood (Play Misty For Me), Laetitia Colombani (A la folie... pas du toutIsabelle Carré tenait un rôle important) ou moins clairement John Polson (Swimfan). Liste à laquelle on peut ajouter Claude Miller (Dites-lui que je l'aime, version masculine du "pathos") dont le direct. de production était P. Sobelman.
3. le psychanalyste s'intéressa également au cas des sœurs Papin sur lequel se penchèrent Claude Chabrol (La Cérémonie) et Jean-Pierre Denis (Les Blessures assassines).
4. "Espoir" - "Dépit" - "Haine" s'inscrivent en intertitres, précédés de "Illumination" et suivis de "Le refuge".

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