"Il n'y a plus de trace du passé ici. Juste des souvenirs."
Forteresse
russe fondée en 1794 sur les territoires annexés à l'Empire ottoman,
Odessa reste pour beaucoup d'entre les cinéphiles le décor du
chef-d'œuvre muet de Sergueï Eisenstein, Bronenosec Potëmkin.
On sait généralement moins que la "perle de la mer Noire", occupée de
1941 à 1944 par les armées roumaine et allemande, fut le tragique
théâtre du massacre de nombreux habitants dont, en octobre 1941,
plusieurs dizaines de milliers de membres de l'importante et vieille (VIIIe siècle) communauté Juive* de la ville. Auteur en 2001 de Dust, un court métrage documentaire sur cette ville, la réalisatrice franco-israélienne Michale Boganim y est retournée avant de suivre le parcours et l'expérience de quelques transplantés odessites.
Aux côtés d'un étrange voyageur inconnu (interprété par David Varer), Odessa... Odessa nous emmène dans un long périple en trois étapes : la "mère" Odessa (Europe), Brighton Beach (Etats-Unis), petite localité surnommé "Little Odessa"**
à l'extrême sud du quartier du Kings jouxtant Coney Island et terre
d'accueil d'une partie des émigrés de la "ville héroïque" et enfin Ashdod,
second port d'Israël où se côtoient immigrés marocains, géorgiens,
ukrainiens et éthiopiens. Pas de narration, juste le témoignage d'une
vieille femme restée à Odessa, d'une chanteuse et d'un ancien boxeur
confrontés à la réalité du rêve étasunien, d'un balayeur plus tout jeune
ou d'un couple de retraités dans une Terre promise toujours en
construction.
Cartes postales filmées, dédiées au souvenir de la terre patrie avant la Seconde Guerre mondiale ou monument (au sens premier du terme) nostalgique, difficile de définir réellement le documentaire de Michale Boganim. Le choix, le portrait des locuteurs, et à travers eux évidemment la peinture des lieux (tous au bord de la mer !) où ils (re)vivent
sans cesse la séparation d'avec leur berceau essentiel, ne manquent pas
d'intérêt. Comme les contrastes culturels et la quête quasi désespérée
d'une nouvelle "identité nationale" vécus par ces odassites de cœur. Le
principal reproche qui puisse être formulé à l'encontre d'Odessa... Odessa,
aux évidentes qualités graphiques, est de privilégier l'émotionnel au
détriment du didactique. Le matériau recueilli aurait pourtant pu servir
à une belle réflexion sur le thème de l'exil.
___
*malgré l'extermination nazie (plus d'un million de Juifs en furent
les victimes), les déportations et l'émigration, succédant aux
oppressions cosaques et pogroms soviétiques, la communauté ukrainienne
reste aujourd'hui la dixième au plan mondial.
**où se déroule l'action du polar homonyme de James Gray avec Tim Roth et Edward Furlong.
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