jeudi 12 juillet 2007

Taiyo no hakaba (l'enterrement du soleil)


"Trop cassé pour servir."

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Avant d'être (re)connu en Occident avec la coproduction franco-japonaise Ai no corrida de 1976 et couronné, deux ans plus tard, d'une "Palme" cannoise du meilleur réalisateur, Nagisa Oshima avait déjà à son actif pas moins d'une vingtaine de réalisations (hors courts-métrages, documentaires et téléfilms). Entré à la Shochiku en 1954, il y tournera plusieurs films, les premiers formant la "Trilogie de la jeunesse"*. Le dernier volet, Taiyo no hakaba, sombre, désespéré voire morbide, est également annonciateur d'une révolte**. Celle-ci se manifestera d'abord avec le film suivant, Nihon no yoru to kiri***, qui rompt avec les conventions et dont l'interruption de l'exploitation provoquera son départ du studio. La critique locale fera du cinéaste l'un des précurseurs de la "Nouvelle vague" nippone (voir introduction à l'analyse de Kawaita hana).
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Dans les bas faubourgs de Kamagasaki, un quartier d'Osaka, tous les trafics s'organisent pour éviter la famine et tenter de sortir de la misère. Recruteurs pour la banque de sang clandestine animée par la jeune et jolie Hanako, Tatsu et Takeshi rejoignent le gang du proxénète Shin. L'activité du Shin'eikai indispose le grand concurrent Ohana qui voudrait bien y mettre un terme s'il parvenait à localiser son quartier général. Yosematsu, le père d'Hanako, dirige et exploite quant à lui un groupe de voleurs et de fripiers pour la plupart alcooliques. Hanako se fait l'avocate de Takeshi, auteur d'une bévue, auprès de Shin. Le jeune homme est alors soumis, sous le contrôle de Yasu, à une épreuve aux conséquences dramatiques.
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Crépusculaire comme le suggère son titre et les nombreux plans de coucher de soleil à travers des édifices délabrés, Taiyo no hakaba fait aussi allusion à la fin de la période du "Taiyo-zoku" (la tribu du soleil), phénomène de mode initié à la suite de la publication en 1956 du roman "Taiyô no kisetsu" de l'écrivain devenu politicien controversé Shintaro Ishihara. Comme les deux films précédents, mais avec une tonalité spécifique, Taiyo no hakaba traite de la délinquance mais aussi de la déliquescence de la communauté. Dans un pays en chantier, ruiné par la guerre et sous tutelle du vainqueur étasunien, s'opposent et se retrouvent les nostalgiques de l'empire ou des valeurs fondamentales (l'"Agitateur" et Takeshi) et les acteurs forcés du chaos social et moral.
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L'ancien militant contestataire de gauche Oshima avait-il déjà perdu toutes ses illusions ? A travers ce film aux allures parfois documentaires, il porte sur son pays un regard pessimiste, mettant en accusation l'impuissance et la duplicité, y compris celles de l'autorité publique (un fugitif panneau urbain proclame incongrûment "Donnons aux jeunes amour et lumière"). Le corps, l'identité et même la vie servent de monnaie cruelle et dérisoire à cette économie zonale dans un récit réaliste où la violence sert d'instrument à la fois à la vengeance et au sacrifice. La sécheresse de la mise en scène est tempérée par un certain lyrisme nostalgique, renforcé par la musique "aranjuezante" ou décalée de Riichiro Manabe.
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*Ai to kibo no machi et Seishun zankoku monogatari en sont les premiers opus.
**Oshima et le même co-scénariste Toshirô Ishido signeront en 1962 un film consacré au samouraï et martyr du XVIIe siècle Amakusa shiro tokisada, traduit en français par "Le Révolté".
***qui vaut, avec les deux précédents films, au cinéaste de succéder à Shohei Imamura pour le titre de "meilleur jeune réalisateur" décerné par les "Blue Ribbon" 1961.

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