"Tout le monde a un point faible."
Si bovins et reptiles sont apparus le sixième jour de la création, il a fallu six ans à Eric Barbier pour passer de Toreros au Serpent. Libre adaptation de "Plender", un des romans policiers de l'énigmatique Britannique Ted Lewis (auquel on devait déjà "Jack's Return Home" porté à deux reprises à l'écran, notamment par son compatriote Mike Hodges), ce troisième long métrage déroule, comme son homonyme signé en 1973 par Henri Verneuil,
une intrigue plutôt touffue. Mais sa féroce sécheresse tranche assez
nettement avec l'habituelle production française du genre.
Enquêteur privé et commercial, Joseph Plender fait aussi dans le chantage aux mœurs. Il réussit à soutirer une forte somme à l'inoffensif avocat d'affaires Gilles Cendras grâce à des photos compromettantes prises avec l'aide de sa complice Sofia. Le couple très aisé que forment le photographe Vincent Mandel et Hélène, seule héritière du riche industriel allemand Carl Schäfer,
est lui sur le point de divorcer et s'oppose sur le pays de résidence
de leur deux jeunes enfants. Après l'avoir mis sous surveillance, Plender pénètre dans le studio de Mandel après son départ et met la ligne téléphonique sur écoute.
Le lendemain, ce n'est pas Carla, le modèle qu'il attendait pour une prise de vues, mais Sofia qui se présente au rendez-vous. Le photographe débute la séance malgré l'absence inexpliquée de son assistant Franck et du maquilleur Raphaël. Après avoir, sous une impulsion apparemment spontanée, embrassé Mandel, Sofia le griffe violemment au cou au moment où celui-ci reçoit un appel téléphonique de Franck.
Lui et le maquilleur sont à l'hôpital après avoir été tabassés par des
inconnus. Au matin, trois enquêteurs de la police judiciaire se
présentent à son domicile.
Sur le thème de la revanche et du harcèlement, la référence au cinéma reste le remarquable Cape Fear de J. Lee Thompson. Mordant et venimeux, Le Serpent ne boxe pourtant pas dans cette catégorie mais plutôt, à la tonalité près, dans celle du Harry, un ami qui vous veut du bien de Dominik Moll*. Le sérieux travail de réécriture auquel se sont livrés Eric Barbier et son co-scénariste est manifeste et plutôt pertinent, réhabilitant au passage le personnage de Peter Knott devenu Vincent Mandel
dans le film. La différence de classe sociale entre les deux principaux
protagonistes est également moins sensible. Le lauréat du "Prix Jean-Vigo"
1991 et son équipe réussissent à créer une atmosphère singulière, à
susciter l'inquiétude et la tension. Les interprétations des premiers
rôles, le naturel d'Yvan Attal, la composition de Clovis Cornillac, sont estimables, avec une mention particulière pour celle de Pierre Richard
dont les qualités dramatiques n'ont, hélas, pas assez souvent été mises
en valeur. Mais il manque au film ce ferment subtil, composé selon une
recette tenue secrète d'originalité et de surprise, pour espérer être
mémorable.
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*avec Sergi López, à l'affiche du précédent film de Barbier.
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