mercredi 11 juillet 2007

Ministry of Fear (espions sur la tamise)


"Don't bother about the past, tell me the future !"

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Après deux western tournés avec Darryl Francis Zanuck et la Fox, Fritz Lang entame en 1941 une série de trois films d'espionnage pour trois studios différents. Le dernier, Ministry of Fear produit par la Paramount et tourné au cours de l'été 1943, est tiré du roman éponyme de Graham Greene paru la même année. Une adaptation signée par Seton I. Miller, collaborateur de Michael Curtiz notamment et récent oscarisé, avec laquelle le réalisateur prend (évidemment !) quelques libertés par rapport à l'œuvre originale.
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Devant l'horloge de sa chambre, Stephen Neale voit s'écouler les dernières minutes de sa captivité. Il vient en effet de passer deux ans à l'asile de Lembridge et décide, malgré le danger du Blitz allemand, d'aller à Londres. Sur le conseil de l'employé de la gare, Neale se rend, en attendant son train, à une fête de charité toute proche organisée par l'association "Mothers of the Free Nations". Il gagne, grâce à l'indication de la voyante Mrs. Bellane, un gâteau dont il apparaît ne pas être le véritable destinataire qu'il croise en quittant les lieux. Le faux aveugle qui partage son compartiment profite de l'immobilisation du train dû à un bombardement pour assommer Neale et s'enfuir avec la pâtisserie.
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Poursuivi, l'agresseur se réfugie dans une ruine prise pour cible par le lâcher de bombe d'un avion ennemi. Arrivée dans la capitale, Neale engage le détective privé George Rennit avec lequel il se présente au siège de "Mothers of the Free Nations" et où il rencontre ses fondateurs d'origine autrichienne, Willi Hilfe et sa sœur Carla. Neale convainc Willi de l'accompagner chez Mrs. Bellane. La femme qui les reçoit n'est pas celle de Lembridge mais elle les invite à une séance de spiritisme pendant laquelle Cost, l'homme avec lequel Neale a été confondu à Lembridge, est assassiné. Accusé du meurtre, Neale s'enfuit avec la complicité de Willi pour éviter la police.
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Même s'il est le moins percutant des trois films de la série, Ministry of Fear n'en demeure pas moins une des œuvres emblématiques (elles sont nombreuses) du talent de Fritz Lang. Plus que les précédents, celui-ci s'inscrit dans la lignée des productions du genre d'Alfred Hitchcock entamée en 1935 avec The 39 Steps. Le réalisateur s'"encombre" d'ailleurs, avec le fameux (?) gâteau aux œufs, d'un authentique MacGuffin hitchcockien. Il sait aussi ménager le suspense (les ennemis ne sont identifiés que très tardivement) tout en créant une atmosphère étrange, inquiétante, parfois proche du fantastique. Comme pour son collègue expatrié, Ministry of Fear est également l'unique film tourné avec Ray Milland, alors au sommet de sa carrière. Au-delà du thème du faux coupable déjà abordé, en particulier dans Fury, Lang, cinéaste des apparences par excellence, retrouve dans cette période clé de l'histoire de l'Europe et du monde, projetés vers un futur encore incertain, les puissants ferments de sa créativité anxieuse d'exilé. Plusieurs scènes, adroitement photographiées par Henry Sharp (While the City Sleeps, le muet homonyme de Jack Conway), restent mémorables. Notamment celle où Carla-Marjorie Reynolds, bien loin de l'univers de Holiday Inn partagé avec Bing Crosby et Fred Astaire, tire d'une pièce éteinte à travers une porte qui se referme et à laquelle les frères Coen rendront hommage dans Blood Simple.

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