"Je pense aux gens de mon pays !"
Lorsqu'en 1998, le réalisateur argentin Adrián Caetano
entreprend de produire son deuxième long métrage, son pays est touché
par une crise économique et sociale dont le paroxysme sera marqué par
les funestes émeutes populaires et l'instauration de l'état de siège de
la fin de l'année 2001. Bolivia,
qui ne sort à Buenos Aires qu'en avril 2002 après avoir participé à
quatre festivals internationaux, a évidemment capté une partie de
l'inquiétude et de la frustration qui vont progressivement alimenter la
colère et la violence du peuple argentin. Le film a obtenu plusieurs
prix entre 2001 et 2003 parmi lesquels celui de de la (toute) jeune critique de la semaine cannoise du même nom.
Freddy a laissé sa femme Fanny
et ses trois fillettes à La Paz pour venir travailler à Buenos Aires.
Il y a trouvé un emploi de cuisinier dans le bar-restaurant de
l'impérieux Enrique Galmes. En plus de son modeste traitement de quinze pesos par jour, les pourboires qu'il partage avec la serveuse paraguayenne Rosa Sanchez
ne lui permettent pas de louer une chambre à proximité. Sans permis de
travail, l'immigré bolivien doit aussi éviter les contrôles de police.
Parmi les habitués du bar figurent Oso, en difficultés financières dans l'attente du jugement d'un procès, et son ami Marcelo, chauffeur de taxi.
Un
phénomène puissant et insolite caractérise ce film aux évidentes vertus
documentaires, celui d'être hors du temps. D'abord parce que le drame,
hélas considéré comme banal, qui se noue au cœur de Bolivia reste d'une (inéluctable ?)
actualité, de surcroît universelle. Ensuite parce que sa concision
formelle est doublée d'une étrange brièveté subjective. Il semble ne
rien se passer dans ce quasi huis-clos parfois filmé comme à travers des
caméras de surveillance. Mais le spectateur n'est affecté d'aucune
sensation de lenteur, bien au contraire. Adrián Caetano,
lui-même immigré uruguayen, entretient en effet, à notre insu, une
subtile et progressive montée de nervosité digne des meilleurs
thrillers. Introduite par l'allégorique confrontation footballistique
Argentine-Bolivie, c'est la malsaine dérive raciste et la nauséabonde
"préférence nationale", alimentées par la bêtise, le désarroi et la
pauvreté, qui servent de ressort à la narration de ce fait divers
"social".
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