mardi 15 mai 2007

Shortbus


"Etre voyeur, c'est aussi participer."

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Comment traiter du sexe au XXIe siècle ? En particulier dans les Etats-Unis bushiens post-11/9 ? Même les intellectuels et les scientifiques ont, pour la plupart, déserté ce domaine d'investigation*. L'ombre de Freud plane encore au-dessus des divans de certains cabinets d'analyse, mais qui se souvient aujourd'hui d'Alfred Kinsey et du couple William Masters et Virginia Johnson ? A l'écran, l'amour physique, après la période faste des années 1970, confronté à l'hypocrite pudibonderie actuelle, s'est réfugié dans le maquis du film dit d'auteur où l'on peut parfois débusquer l'américain Larry Clark, le britannique Michael Winterbottom ou les français Catherine Breillat et Bruno Dumont.
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Le cas John Cameron Mitchell** est un peu particulier. Ce fils de général, élevé selon le culte catholique dans une base militaire du Colorado, était surtout connu jusque là pour sa comédie musicale, Hedwig and the Angry Inch adaptée par ses soins au cinéma en 2001, et son militantisme homosexuel. Présenté hors compétition, en séance de minuit, au Festival de Cannes 2006, Shortbus, d'emblée provocateur, a été conçu comme un manifeste pour la démythification du sexe à l'image. Le projet s'avérait ambitieux ; le film l'est moins. Il ne surprendra personne d'apprendre que l'essentiel de son succès s'est forgé... à l'étranger.
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James Baysden, ancien prostitué devenu maître-nageur, et son amant Jaimie, traversant une crise de couple, vont consulter Sofia, une conseillère conjugale versée en sexologie. Malgré ses compétences théoriques et expérimentales, celle-ci souffre de ne jamais pouvoir atteindre l'orgasme avec son mari et unique partenaire, Rob, l'obligeant à simuler lors de leurs acrobatiques parties de jambes en l'air. Aussi accepte-t-elle l'invitation de ses clients à les rejoindre au "Shortbus", un club tenu par le travesti Justin Bond où hommes et femmes se rencontrent, discutent, boivent, écoutent de la musique et s'accouplent librement en public. Pour Sofia, cette première visite ne s'avère pas réellement concluante puisqu'elle ne repart qu'avec sa photographie prise au Polaroïd par Severin. Cette dernière, née Jennifer Aniston, bien qu'intimement vulnérable monnaie ses talents de sadomasochisme tendance dominatrice.
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Choquant et scandaleux Shortbus ? Assurément si l'on n'en voit que les cinq premières minutes, composées en montage alterné (ou parallèle ?). Tel un boutoir, elles malmènent vigoureusement notre gentil conformisme intellectuel. L'esprit rationnel, dérouté, s'interroge. Qu'est-ce que ce film qui ose montrer, et avec quelle crudité, ce que l'on a coutume de cacher ? Pas assez esthétique pour être érotique, pas assez trivial pour être pornographique, pas assez didactique pour être thérapeutique, Shortbus est une comédie dramatique où l'amour ne se résume pas à un sentiment. Et pourtant, celui-ci, dans sa pluralité diverse, reste, malgré le caractère explicite du film, le vecteur principal de cette histoire collective. Derrière l'humour, l'ironie et le sarcasme, la tonalité est nettement celle du désarroi ; conséquence de l'évident déficit d'humanité auquel nous semblons nous résoudre ?
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*personne n'a réellement poursuivi, après 1984, l'imposante contribution de Michel Foucault sur le sujet.
**qui ne possède aucun lien de parenté avec l'interprète de Buck Cannon dans The High Chaparral mais des affinités intellectuelles et artistiques avec le français Jean Genet et l'allemand Frank Ripploh.

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