"... Et si Tar n'existe pas, nous aurons à l'inventer."
Tourné au Mexique plus de dix ans après son premier film, le court métrage français La Cravate, Fando y Lis est une œuvre à la fois étrange et frappante, caractéristique de la production clairsemée (huit films en un demi-siècle) d'Alejandro Jodorowsky. Ce conte poético-fantastique aux accents philosophiques est tiré de la pièce éponyme, publiée en 1955, de son ami Fernando Arrabal avec lequel l'élève du mime Marcel Marceau
avait fondé six ans plus tôt le mouvement Panique. L'accueil
particulièrement hostile qui lui fut réservé lors de sa première au Festival d'Acapulco s'accompagna d'une interdiction dans le pays par les autorités officielles.
Fando et Lis
se mettent en route pour Tar, la seule et légendaire ville ayant
échappé à la grande catastrophe intervenue pendant la guerre finale. Le
jeune homme et son amie paralysée des membres inférieurs traversent des
paysages désolés, peuplés d'individus insolites et parfois inquiétants.
De douloureux souvenirs d'enfance refont également surface à cette
occasion. Leur belle harmonie s'altère alors progressivement et Fando abandonne Lis au fond d'une profonde et déserte excavation.
Cet
étrange quête d'un paradis terrestre, mythique et/ou imaginaire, se
montre résolument déroutante. La fidélité à la dramaturgie originale
n'est d'ailleurs pas absolue, Alejandro Jodorowsky négligeant notamment le rôle dans le récit des "trois hommes au parapluie".
Le réalisateur met au cœur de son film la relation complexe entre les
deux "amants" en soulignant le caractère naïf et tyrannique, proche de
l'aliénation, de Fando. Surréaliste, voire ésotérique, cette histoire, composée en quatre chants* mais sans linéarité (et cohérence ?)
narrative évidente, ne suit aucune convention formelle, esthétique ou
morale, élément qui peut expliquer que certains n'y aient vu qu'un
délire halluciné (et hallucinant) indéchiffrable. Parabole
effrénée sur le bonheur et la domination, fortement psychosomatique et
aux manifestes connotations sexuelles, Fando y Lis surprend, dérange, irrite mais ne laisse pas indifférent.
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*I- El arbol se refugio en la hoja (l'arbre s'est réfugié dans la
feuille) II- Y Tar estaba dentro de su cabeza (il avait Tar en tête)
III- El hombre solitario iba siempre acompañado (l'homme solitaire était
toujours accompagné) IV- Y cuando quise separarme de ella, me di cuenta
que ya formabamos un solo cuerpo con dos cabezas (quand j'ai voulu me
séparer d'elle, j'ai réalisé que nous formions un corps à deux têtes)
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