"Même si je gagne, ce sera une défaite."
Produit et tourné dans des conditions résolument rocambolesques, El Topo
constitue, sans aucun doute, un film unique à presque tous les sens du
terme. Anti-western métaphorique et démystificateur, inclassable du
cinéma aux côtés du Chien Andalou de Luis Buñuel,
il déconcerte paradoxalement davantage par son indéchiffrable narration
aux multiples et anarchiques retournements que par ses libertés morales
ou ses outrances visuelles. Longtemps resté confidentiel, le "Prix spécial du jury" du Festival d'Avoriaz 1974 fait pourtant l'objet d'un véritable culte au même titre que Night of the Living Dead de George A. Romero, Pink Flamingos de John Waters ou Eraserhead de David Lynch.
Pistolero tout de noir vêtu, El Topo,
accompagné de son jeune fils entièrement nu, découvre en chemin les
habitants et les animaux massacrés d'un village. A la recherche des
auteurs de ce sauvage forfait, il trouve un colonel et ses hommes dans
un monastère franciscain occupés à humilier ses occupants. Après avoir
châtié les criminels, El Topo reprend sa route en laissant son fils sur place mais avec la belle jeune femme qu'il a libérée et qu'il baptise Mara.
Celle-ci l'incite, pour lui prouver son amour, à affronter
successivement en duel quatre grands maîtres du revolver installés dans
le désert.
L'erreur à ne pas commettre avec ce deuxième long métrage d'Alejandro Jodorowsky serait de le prendre au sérieux. D'ailleurs, peut-on "prendre" El Topo
? Ce film est, par essence, insaisissable. Farce burlesque, satire
théologique et sociale, drame humain, il semble ne répondre qu'à sa
logique propre. Dans cet évangile révisé, le réalisateur viole-t-il
vraiment le sacré pour sacraliser le profane ? Jodorowsky
fait-il du héros absurde et dérisoire qu'il choisit d'interpréter
lui-même dans la première partie** l'étrange dieu, roi des infirmes, de
la parousie chrétienne ? El Topo séduit parce qu'il reste profondément énigmatique.
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*partiellement réalisé dans des décors abandonnés de Day of the Evil Gun.
**la structure générale en deux parties est elle-même décomposée en
cinq actes, un premier acte sans titre puis "genesis" (genèse),
"profetas" (prophètes), "salmos" (psaumes) et "apocalipsis"
(apocalypse).
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