"... Pas au moment où tu crois,... pas non plus à l'endroit où tu regardes."
Après le succès de Se souvenir des belles choses, son remarquable premier film salué notamment par quatre nominations et trois "César" en 2003, les aptitudes de la réalisatrice Zabou Breitman ne demandait qu'à être confirmées. Cinq ans, trois courts métrages, quelques rôles et mises en scène après, L'Homme de sa vie, en retrait toutefois par rapport au précédent, l'atteste. Zabou
n'est pas simplement une actrice passée derrière la caméra. Elle
possède un talent réel et personnel de direction doublé d'évidentes
qualités d'écriture.
Frédéric, son épouse Frédérique et leur jeune fils Arthur
passent de tranquilles vacances estivales dans leur vieille et belle
demeure de la campagne drômoise. Ils y reçoivent bientôt quelques
parents et un couple d'amis, profitant de l'arrivée de ces derniers pour
inviter à dîner un voisin, Hugo, et faire sa connaissance. Au détour des conversations, Hugo
déclare, avec un mélange d'humour et de provocation, son homosexualité.
Après le repas, alors que tous les autres sont allés dormir, le
spéculatif solitaire endurci et le malhabile Frédéric restent très longuement sur la terrasse pour discuter de la vie, de l'amour, du couple. Hugo
confie à son nouveau partenaire de jogging avoir été, enfant, mis à la
porte de la maison familiale par son père à cause de son uranisme.
L'équivoque titre du film constitue probablement la clef essentielle de compréhension de son thème principal. Zabou Breitman a placé le bonheur, plus que l'homosexualité, au cœur de son scénario original. L'Homme de sa vie
dépeint avec sensibilité, délicatesse et pudeur une brutale et âpre
perte des certitudes. Une anodine rencontre, et voilà un gentil et banal
père de famille, en panne de désir, confronté aux interrogations
fondamentales de l'existence. Qui suis-je ? Que veux-je ? Suis-je
heureux ? Et, surtout, dois-je me poser cette question décisive ?
Bannissant toute démonstration, la cinéaste insinue* avec subtilité la
grande fragilité de l'être sur des airs de tango, musique et danse de la
séduction suggérée où s'accordent et se lient tempi, brisures et
mélancolie. Au-delà de la figure du vengeur masqué au loup et à la cape
rouge incarnée par l'œdipien Arthur, l'omniprésent imaginaire
enfantin, féerie ou illusion, enchante et sublime. Mais la narration,
délibérément elliptique, et les incessants retours au premier
tête-à-tête entre les deux principaux personnages finissent néanmoins
par nuire à l'intérêt général du film. Les interprétations de Charles Berling et Bernard Campan, déjà épatant premier rôle dans Se souvenir des belles choses, ne déçoivent en revanche pas. Comme celle, plus discrète, de Léa Drucker avec laquelle Zabou Breitman a partagé l'affiche de Narco et qu'elle a dirigé au théâtre.
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*souffle, à l'image de l'inexpliqué phénomène atmosphérique constaté dans la maison et qui ponctue le film.
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