"La fin ne justifie-t-elle pas les moyens ?"
Sorti la même année que Sunset Boulevard et All About Eve, House by the River est la libre adaptation de "Floodtide", le seul roman criminel, paru en 1921, de l'écrivain et dramaturge britannique Alan Patrick Herbert. Comme Secret Beyond the Door qui l'a précédé, cette treizième production de la période étasunienne de Fritz Lang
apparaît davantage comme un drame psychologique que comme un
authentique film noir*. Avec ce nouvel opus, le réalisateur confirme son
exemplaire capacité à s'approprier une histoire... y compris lorsqu'il
ne l'a pas choisie.
Romancier sans réel succès, Stephen Byrne, dont l'épouse, Marjorie, s'est rendue chez des amis, reçoit à nouveau un manuscrit refusé par un éditeur. Déprimé et un peu éméché, Stephen attend sa nouvelle et jeune servante, Emily,
sortant de la salle de bain de ses employeurs, au bas de l'escalier de
la maison. Pris d'une soudaine pulsion, il lui bloque le passage et
tente de l'embrasser. La jeune femme résiste bruyamment au moment où la
voisine, Mrs. Ambrose, rentre chez elle et pourrait l'entendre. Pour éviter d'attirer son attention, Stephen étrangle Emily presque malgré lui et la laisse sans vie sur le sol lorsque qu'un homme frappe à la porte. Il s'agit de John, son frère infirme, auquel Stephen demande de l'aide pour dissimuler son crime. D'abord décidé à avertir la police, John
se laisse finalement convaincre par les arguments mensongers de son
cadet et les deux hommes jettent le sac contenant le corps de la victime
au fond du fleuve.
Probablement un peu à l'étroit entre The Woman in the Window et The Big Heat, House by the River n'est traditionnellement pas considéré comme une des productions majeures de Fritz Lang.
Pourtant, le film recèle des qualités singulières indéniables. Le
réalisateur y développe, certes, des thèmes qu'il affectionne, ceux de
l'amoralité, de la culpabilité, de l'abnégation et de l'ingratitude. En
revanche, l'absence de cupidité, de névrose ou de désir frappe dans
l'univers languien
au profit d'un meurtre involontaire, conséquence du malaise et de la
profonde insatisfaction de son auteur. Cet acte insensé va,
paradoxalement, donner provisoirement du sens à son existence. Fritz Lang
reprend également ici à plusieurs reprises la figure fantasmatique de
la réapparition, stigmate d'une hantise morale à laquelle les éléments
naturels (eau, vent...) apportent leur contribution symbolique. Louis Hayward, à l'affiche du très bon And Then There Were None de René Clair cinq ans auparavant, porte littéralement le film sur ses épaules. Il faut enfin souligner la belle photographie ombreuse d'Edward Cronjager avec lequel Lang a déjà collaboré sur Western Union.
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*surtout si on le compare à The Asphalt Jungle, Night and the City ou Gun Crazy tous distribués en 1950.
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