"... Ne sera jamais abandonnée par moi !"
Adapté du roman de son compatriote Tim Krabbé, "Het Gouden ei" (l'œuf d'or) paru en 1984, Spoorloos apporta à George Sluizer une large audience internationale. Le cinéaste néerlandais né à Paris, surtout connu jusque-là pour ses documentaires (dont un court métrage récompensé en 1961 par un "Ours d'argent") ou collaborations avec Werner Herzog (Fitzcarraldo), proposait à partir d'une histoire presque banale, une œuvre insolite et très personnelle. Présentée à tort comme un thriller, cette coproduction inclassable et intemporelle, se situant plutôt à la croisée de plusieurs genres, reçut l'année de sa sortie le "Gouden Kalf" du meilleur film au Nederlandse Filmdagen.
16 juillet 1984. Rex Hofman et Saskia Wagter ont quitté Amsterdam en voiture pour passer des vacances à Bois-Vieux (Gard), propriété familiale de la jeune Néerlandaise. Le couple tombe en panne de carburant sous le tunnel d'une départementale, obligeant Rex à laisser dans le véhicule une Saskia effrayée pour aller à pied chercher de l'essence. Les amants se réconcilient sur l'aire d'une station-service d'autoroute. Puis Saskia, partie chercher des boissons, disparaît de façon incompréhensible. Interrogés par Rex, caissière et pompiste indiquent l'avoir aperçue, le second signalant même la présence d'un homme à ses côtés. Les tentatives du jeune homme pour retrouver son amie restent désespérément vaines. Trois ans plus tard, Rex n'a pas oublié Saskia. Accompagné de sa nouvelle compagne Lieneke, il poursuit sa campagne d'affichage dans la région de Nîmes pour essayer de savoir enfin ce qui lui est arrivé.
Qualifier Spoorloos de drame psychologique serait une autre façon de le trahir ou ne pas rendre hommage à sa pluralité et sa profondeur. Il s'agit pourtant de la catégorie qui lui est la plus proche. Sa contiguïté avec L'Avventura d'Antonioni se révèle d'ailleurs plus forte qu'avec Breakdown de Jonathan Mostow. Cette tragédie en trois actes et un long épilogue, en rupture délibérée avec toute linéarité narrative, a notamment l'intelligence de suggérer plus que de montrer ou d'expliquer, exerçant un véritable pouvoir hypnotique sans avoir besoin, pour cela, de recourir à la violence, vecteur ordinaire pour frapper les esprits et les sens. George Sluizer a su rendre cette effrayante perméabilité entre normalité et déviance, bien et mal ainsi que cet étrange "jeu" du hasard ou du destin, voire de l'ésotérique dans les événements que développe Tim Krabbé dans son ouvrage. La seule probable faiblesse du scénario réside dans le déséquilibre créé entre la démarche et les motivations qui animent Raymond Lemorne, personnage fasciné jusqu'au morbide par l'épreuve, et celles de son antagoniste. L'interprétation du Français Bernard-Pierre Donnadieu, saluée au Fantasporto, ayant parallèlement tendance à éclipser un peu celle du Belge Gene Bervoets*. Courte mais belle prestation de la comédienne Johanna ter Steege, dans son première rôle au cinéma, qui lui valut le prix du meilleur second rôle à l'occasion de la première cérémonie de l'European Cinema Society. Sluizer entrait, cinq ans plus tard, dans le club fermé des réalisateurs d'un remake de leur propre film (parmi lesquels Hitchcock et plus récemment Michael Haneke) en tournant pour la Fox le médiocre The Vanishing (avec Jeff Bridges, Kiefer Sutherland, Nancy Travis et Sandra Bullock dans les rôles principaux).
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