"Frappe le mal avec un bâton tordu."
Les
meilleures productions américaines sont souvent l'œuvre... de
Britanniques. C'est le cas de ce thriller, confié aux bons soins du
diplômé de Cambridge Iain Softley. Le réalisateur de K-PAX nous propose, avec ce film, une autre facette de son talent qui, on le sait, est réel. Sur un scénario plutôt malin d'Ehren Kruger (Arlington Road, The Ring, The Brothers Grimm), The Skeleton Key
nous entraîne dans ces climats si singuliers qui règnent autour des
eaux marécageuses de la région de la Nouvelle-Orléans, dévastée depuis.
Son intrigue, parfois un peu alambiquée, est particulièrement bien
servie par un casting serré mais efficace et par une mise en scène qui
ne faiblit pas sur toute la durée du métrage.
Orpheline d'un père dont elle n'a pu s'occuper au crépuscule précoce de sa vie, Caroline Ellis
est une jeune infirmière de vingt-cinq ans affectée au service de
gériatrie d'un hôpital de la Nouvelle-Orléans. Lassée par ce mouroir
dans lequel les patients sont, au mieux, délaissés, elle décide de
répondre à une annonce recherchant une garde-malade dans une propriété
en dehors de la ville. Là, elle rencontre Luke Marshall, le notaire du couple Deveraux, Ben, victime d'une attaque cérébrale l'ayant laissé dans un état presque végétatif et Violet, réticente à l'arrivée de l'étrangère Caroline mais qui se laisse toutefois convaincre par Luke. Une fois installée, Caroline
est munie d'un passe lui donnant accès à toutes les pièces de la maison
sauf à un mystérieux local au dernier étage qui pourrait, de manière
inexpliquée, être à l'origine de l'état de Ben.
Envoyée par Violet
au grenier pour y chercher des semis de fleurs, la jeune femme entend
puis voit la porte de la pièce en question brièvement mais étrangement
agitée, comme mue par quelqu'un à l'intérieur. Le soir, Ben,
qui semble redouter une menace, essaie de s'enfuir en sortant par la
fenêtre de sa chambre et en se traînant, sous la pluie, sur le toit de
la terrasse avant d'être rattrapé. Intriguée par son environnement, Caroline
finit par réussir à pénétrer dans la seule pièce qui lui restait
inaccessible et découvre divers objets de culte animiste, la totalité
des miroirs de la maison dont elle avait remarqué la trace sur les murs
et un inquiétant disque qu'elle emporte dont la pochette mentionne
l'existence passée d'un sacrifice. Près de cent ans plus tôt, la
résidence, appartenant alors à un riche banquier et à sa famille, avait
été le théâtre d'une terrifiante cérémonie.
Poser ses caméras dans le Bayou de Louisiane ne suffit pas à faire un bon film. Double Jeopardy ou The Badge par exemple n'atteignent par ce qualificatif, Obsession, partiellement tourné sur place, davantage. The Skeleton Key, tout en étant très différent, s'inscrit dans le sillage du Angel Heart d'Alan Parker* (plus que dans celui du surestimé The Others). Le film d'Iain Softley
est moins névrotique, moins troublant mais le réalisateur réussit à
installer durablement une inquiétante et oppressante atmosphère au
milieu de laquelle alternent et s'opposent rationnel et fantastique. Il
ménage aussi, malgré quelques légères maladresses, une montée
progressive de la tension sans utiliser trop d'artifices. Outre la
qualité de la prestation des acteurs, Kate Hudson sobre et constante, Gena Rowlands étonnante dans le registre de la duplicité et John Hurt soumis à une délicate composition, l'un des intérêts de The Skeleton Key
est de laisser le spectateur dans une inconfortable expectative pendant
toute la durée du métrage et de s'interroger en permanence sur la
nature et le rôle des personnages, comme celui, secondaire, de Jill, la colocataire de Caroline.
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*qui récidivera, l'année suivante, dans l'état voisin du Mississippi avec le remarquable Mississippi Burning.
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