"Taritakum. Taritakum."
Nous attendions, depuis San geng, Kim Jee-woon
sur un format plus long, puisque ses deux premiers films sont encore
inédits en France. L'attente était d'autant plus intéressée et curieuse
que Janghwa, Hongryeon a reçu, cette année, deux "Grand prix", dont celui du jury (en moins de deux minutes et à l'unanimité) présidé par Paul Verhoeven, au Festival de Gérardmer. Mais l'édition 2004 de Fantastic'arts n'avait pas la richesse de la précédente qui avait couronné Honogurai mizu no soko kara.
Si le cinquième film du réalisateur asiatique est plutôt efficace dans
le genre horrifique, il déçoit encore, comme nous l'avions déjà souligné
à propos du segment de San geng, en privilégiant exagérément les ambiances au détriment du contenu narratif. L'ombre du grand Hideo Nakata
n'est, encore une fois, pas très loin, mais, plus que de le motiver,
elle semble intimider le jeune cinéaste sud-coréen qui possède néanmoins
une jolie palette technique.
Su-mi et Su-yeon,
deux sœurs très liées, reviennent après une longue absence
convalescente dans la maison familiale, isolée à la campagne. Elles sont
accueillies par Eun-joon, leur belle-mère qu'elles n'apprécient pas. Su-mi la méprise et la défie, alors que Su-yeon,
plus fragile et craintive, préfère l'éviter. La première nuit,
celle-ci, terrorisée, se réfugie dans la chambre de sa grande sœur,
convaincue que quelqu'un a cherché de entrer dans sa chambre pendant
qu'elle dormait. Le malaise croît peu à peu et des événements étranges
se multiplient (les oiseaux de Eun-joon sont retrouvés morts et une
invitée, prise d'une crise d'épilepsie, voit un fantôme de petite fille
sous l'évier). En l'absence d'une intervention énergique du père de
famille, les rapports entre les deux sœurs et leur belle-mère
deviennent de plus en plus cruels et hystériques. S'agit-il de la
réalisation d'une vengeance, d'une intrigue pour éliminer Su-mi ou de phénomènes surnaturels ?
Ce conte populaire coréen de tradition orale, vieux de plusieurs siècles, intitulé "Janghwa Heungryeonjeon" ("Rose rouge et Lotus rouge", du nom des deux jeunes filles), avait déjà été adapté à l'écran au moins à cinq reprises. La version de Kim Jee-woon
joue sur l'association des dimensions psychiatrique et fantastique.
Elle peut cependant se voir également, a posteriori, comme un drame
familial ordinaire. Mais à trop brouiller les pistes et en accordant la
prééminence à la forme sur le fond, elle échoue à être un vrai bon film.
Bien sûr, si la narration non linéaire sert l'intrigue et attise, par
le renouvellement successif de sa trame complexe, la curiosité du
spectateur, elle rend l'attente de celui-ci parfois un peu longue et
artificielle. Nous n'apprenons et il ne se passe quasiment rien au cours
de la première moitié du métrage. Huis clos oppressant et inquiétant, Janghwa, Hongryeon vaut surtout pour son traitement visuel et sonore (choix
des décors, des éclairages, des plans et des cadrages souvent inspirés,
bande-son accentuant bruits, cris et basses fréquences) et
l'interprétation des acteurs, en particulier les trois jeunes femmes des
rôles principaux, dont l'expérience n'est pourtant pas très longue.
Signalons, pour terminer, la belle musique, astucieusement décalée, de Lee Byung-woo dont nous avions découvert le talent dans le film d'animation de Lee Seong-kang, Mari iyagi.
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