jeudi 30 décembre 2004

The Stepford Wives (et l'homme créa la femme)


"Je peux faire mieux."

Les films adaptés des œuvres d'Ira Levin sont souvent plus connus, au moins chez nous, que les romans eux-mêmes. Le premier ouvrage, A Kiss Before Dying, publié alors que l'auteur a vingt-deux ans et porté à l'écran dès 1956, Rosemary's Baby, The Boys from Brazil ou même Deathtrap, tiré de la pièce de 1978 longtemps jouée à Broadway, ont connu d'importants succès publics au cinéma. Dans le cas de The Stepford Wives, on peut légitimement affirmer que le livre édité en 1972 a marqué les esprits dès sa parution au point de devenir une référence sociale et culturelle durable aux Etats-Unis... et pas seulement dans le Connecticut. Le film réalisé en 1975 par Bryan Forbes est venu renforcer cette influence. La version (plus que remake) de Frank Oz ne possède visiblement les mêmes ambitions satiriques et artistiques que celles de son prédécesseur. Cette pure comédie à tendance fantastique n'a d'ailleurs pas déchaîné les foules. Les seules entrées US n'ont, en effet, pas permis d'amortir son coût de production d'environ 90M$. C'est grâce à l'exploitation internationale du film que Dreamworks et Paramount sont parvenus à retrouver leur mise initiale. En France, The Stepford Wives (au titre français bien stupide) a connu une courte et décevante carrière.
Joanna Eberhart (Nicole Kidman), une brillante créatrice de reality shows sur une chaîne de télévision dont elle est la patronne, vient de se faire renvoyer après à un regrettable incident public. Profondément déprimée, elle est emmenée loin de New York par son ancien collaborateur de mari, Walter Kresby (Matthew Broderick). Ils s'installent, avec leur deux enfants, dans la petite localité de Stepford, sorte de monde parfait en réduction créé et animé par Claire & Mike Wellington (Glenn Close et Christopher Walken). Le couple Kresby n'est pas très solide, en raison notamment de l'autorité sans partage qu'exerce Joanna en permanence. Celle-ci se rend rapidement compte que sa personnalité castratrice tranche avec celle des dociles et artificielles épouses des familles de la communauté de Stepford. Avec d'autres excentriques, l'écrivain Bobbie Markowitz (Bette Midler) et l'architecte homosexuel Roger Bannister (Roger Bart), elle va tenter de découvrir ce que cache cet apparent havre de paix.
Ce qui caractérise cette adaptation de l'intéressant ouvrage d'Ira Levin, c'est son paradoxal manque de subtilité. Il est vrai qu'avec un scénario signé Paul Rudnick (Addams Family Values ou In & Out déjà avec Frank Oz), il ne fallait pas s'attendre à beaucoup de sobriété. Les amateurs de comédies délirantes (pas très drôles) sont servis. C'est d'autant plus dommage qu'il y avait probablement matière à actualiser la thématique satirique sur les relations homme-femme développée, il y a trente ans, par le roman. Le thriller de Bryan Forbes, avec sa troublante fin ouverte, respectait davantage l'esprit du livre. La comédie de Frank Oz, le réalisateur du tout juste moyen The Score, lui emprunte sa trame pour en faire totalement autre chose. C'est un choix respectable, mais, au vu du résultat, contestable. D'autant que celui qui donne sa voix à Yoda dans la saga Star Wars et à Fozzie Bear/Miss Piggy... dans The Muppet Show semble ne l'assumer qu'avec frilosité, comme lorsqu'il coupe la séquence, utilisant massivement les effets spéciaux, dans la cuisine de Bobbie. Sa mise en scène est un exemple de classicisme circonspect. Le casting est dominé par la présence énergique et radieuse de Glenn Close, une actrice toujours efficace quelques soient les conditions. Elle relègue l'omniprésente et omnipotente Kidman au rayon des accessoires, bien que le rôle contrasté de celle-ci, entre brune hystérique et poupée blonde et sotte, lui aille comme un gant. L'interprète de Suzanne Stone dans To Die For ne parvient pas à faire oublier la trop rare Katharine Ross, celle qui était la fille de Mrs. Robinson/Anne Bancroft dans The Graduate, actrice seulement aperçue, en 2001, dans le Donnie Darko de Richard Kelly. Le transparent Matthew Broderick donne peu d'épaisseur au personnage de Walter destiné au départ à John Cusack. La sœur de ce dernier, Joan Cusack, devait d'ailleurs apparaître dans le rôle de Bobbie, finalement dévolu à la prévisible Bette Midler. Au final, on peut donc nourrir quelques regrets lorsque l'on sait que Tim Burton a, un moment, été pressenti pour réaliser le film.


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