"Ce jour-là j'ai su que si l'on attend, si l'on espère, on obtient ce que l'on veut."
Nul ne savait en 1957, peut-être pas même lui, que Douglas Sirk allait bientôt mettre un terme à sa carrière hollywoodienne. Mais, bien avant de songer à adapter le pénultième roman de son compatriote Remarque, le cinéaste natif de Hambourg souffre-t-il probablement déjà de son trop long éloignement de la vieille Europe*. Lorsque Universal lui donne à nouveau l'occasion de réaliser le remake très libre d'un film de John Malcolm Stahl (When Tomorrow Comes, 1939), version de Cendrillon modernisée par le célèbre auteur de polars James Mallahan Cain, Sirk part le tourner en Allemagne et en Autriche. June Allyson et Rossano Brazzi (le Bolonais venait de s'illustrer aux côtés de Katharine Hepburn dans un Summertime de David Lean assez similaire) sont choisis pour reprendre respectivement les rôles tenus avant eux par Irene Dunne et le Français Charles Boyer.
Venue de Washington pour travailler à la mission culturelle du consulat étasunien à Munich, Helen Banning est rapidement l'objet d'une cour discrète mais assidue de la part du jeune docteur Morley Dwyer, un ami de sa famille installée à Philadelphie. Un jour qu'elle accompagne sa supérieure Prue Stubbins dans une salle où un concert va être donné à l'initiative de son département, Helen est amenée à suivre chez lui l'imprévisible chef d'orchestre Tonio Fischer, appelé en plein milieu d'une répétition, pour s'assurer de la tenue effective du spectacle. Elle y est reçue rapidement et sèchement par le musicien, obligeant la comtesse Reinhart, hôte et parente par alliance de Fischer, à excuser ce comportement dû à de graves préoccupations personnelles. Le soir du concert, Fischer, pour se faire pardonner, propose de raccompagner Helen chez elle et se montre très aimable. Celle-ci le croise peu après à l'occasion d'une manifestation organisée au château de Nymphenburg. Fischer est sur le point de partir pour Salzbourg et l'invite se joindre à lui. Il ne rencontre pas de difficulté à vaincre les faibles réticences de la jeune femme sensible à son charme.
"Je suis l'écrivain américain le plus lu, le plus mal commenté et le moins compris" déclarait volontiers James M. Cain. Ce qui s'avère carrément excessif, pour ne pas dire erroné concernant Double Indemnity, Mildred Pierce ou The Postman Always Rings Twice pourrait ici avoir une certaine justification. Si le drame sentimental de John M. Stahl possédait quelques arguments (pas seulement scénaristiques et sonores !!), Interlude mérite bien pour sa part son intitulé original**. Cette bluette semble presque incongrue dans la filmographie de Douglas Sirk, surtout comparée aux productions qui l'entourent. L'investissement du réalisateur s'avère en effet, de son propre aveu, très en retrait tant sur la plan de l'implication dans le scénario que sur celui de la mise en scène. Méritoire chez un cinéaste moins estimable, par exemple le Britannique Kevin Billington qui, en guise de premier film, réalisera onze ans plus tard un second remake. Pas chez le "maître du mélodrame flamboyant" (appellation décernée en toute modestie par J.M. Cain à ses ouvrages).
___
*en 1949, une tentative de retour en Allemagne, en partie motivée par des motifs familiaux, s'était alors soldée par un échec.
**divertissement destiné à faire patienter les spectateurs, courte pièce musicale intercalée entre deux compositions plus importantes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire