"T'es fâchée de me voir ? J'ai peur pour toi."
Plus violent que la presque naïve chanson d'amour des Rolling Stones* (qui semble avoir inspiré son titre) et moins tragique que le sort de "The Nine Days' Queen" du XVIe siècle tudoriste, Lady Jane explore sur une tonalité dramatique le temps, l'amitié et le mensonge en se donnant de faux airs de polar vengeur. Avec ce nouveau film, probablement le plus sombre depuis La Ville est tranquille, Robert Guédiguian prenait le risque de dérouter un peu son public, lequel ne l'a d'ailleurs pas aussi bien et longtemps accueilli que le précédent. Il donnait en tout cas l'occasion au cinéaste marseillais de retourner, trois ans après Le Promeneur du champ de Mars, à Berlin en compétition officiel.
Propriétaire d'une jolie boutique dans le vieux Aix-en-Provence, Muriel Agostini reçoit un jour un appel téléphonique lui annonçant l'enlèvement de son fils Martin assorti d'une demande de rançon de deux cent mille euros. Désemparée parce ne pouvant mobiliser ce montant rapidement, la mère-célibataire reprend contact avec son vieil ami François, modeste réparateur de bateaux à l'Estaque et père de famille. Ensemble, ils retrouvent, dans la boite qu'il dirige, René, le troisième complice de leurs brigandages de jeunesse. Pour sauver la vie de l'enfant de celle qu'il a toujours aimée, François organise en solo un braquage grâce auquel il met la main sur un butin constitué d'une forte somme d'argent et d'une quantité significative de cocaïne. D'abord fixée à la gare d'Aix où Muriel se rend discrètement accompagnée de François et René, la remise de la rançon doit finalement avoir lieu dans un parking.
"J'ai cru que tu redonnais du sens" s'exclame François dans la dernière partie du film, dévoilant ainsi l'une des clefs sur lesquelles repose l'intrigue de Lady Jane. Car c'est bien le malentendu, la dissimulation des intentions (de l'estime, y compris au sens maritime du terme), un certain égarement qui sont au cœur de ce quinzième film de Robert Guédiguian. Après une entame assez classique et la survenance prématurée d'un (du ?) climax, le scénario se perd ensuite un peu dans les méandres et des éléments plus ou moins anecdotiques de son récit intro(rétro)spectif. Le savoir-faire filmique du cinéaste ne saurait cependant être mis en cause et l'on retrouve ici la récurrente dialectique guédiguianienne de la poursuite-interruption suggérée ou développée dans ses précédents opus. Le vieux** trio d'acteurs fait enfin preuve d'une conviction qui parvient à compenser partiellement les quelques fausses notes de ce Lady Jane.
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*in "Aftermath" (1966).
**quinze films avec le réalisateur pour sa compagne Ariane Ascaride et pour Gérard Meylan, treize pour Jean-Pierre Darroussin.
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