"Si c'est chiant, tu coupes, OK ?"
Résultat du profond trauma provoqué par la télé-réalité ou nième avatar d'une carrière vouée à raconter des histoires à ne pas dormir (debout ou autrement !), [Rec] est un film véritablement bluffant. S'inscrivant dans l'étroit sillon du pseudo-documentaire creusé naguère par l'excellent Peeping Tom(1) de Michael Powell, cette première et fructueuse fiction réalisée en commun par Jaume Balagueró (Frágiles) et Paco Plaza (El Segundo nombre) renouvelle incontestablement le genre et ménage quelques authentiques moments d'effroi(2). Présenté en première à la Mostra, le film obtenait ensuite le "Prix du jury" et deux récompenses décernées par le public au terme de la 15e édition du Fantastic'Arts.
Jeune journaliste d'une chaîne de télévision locale, Angela Vidal réalise avec son cameraman Pablo des reportages nocturnes pour une série intitulée "Mientra usted duerme" (pendant que vous dormez). Ce soir-là, elle tourne dans une caserne de pompiers en attendant une éventuelle sortie en compagnie des sapeurs Alex et Manu. Alors qu'ils disputent une partie de basket-ball avec leur invitée, ces derniers sont appelés à intervenir dans un vieil immeuble où de retentissants cris de femme ont été signalés par une voisine. Les occupants des appartements ont pour la plupart été regroupés dans le hall par deux policiers lorsque les pompiers arrivent. Ceux-ci découvrent au deuxième étage une vieille dame revêtue d'une chemise de nuit maculée de sang. D'abord effrayée, la femme agresse ensuite brusquement le plus âgé des policiers, lui occasionnant de très sérieuses morsures qui nécessitent sont évacuation d'urgence. Mais les forces de police ont bouclé le quartier et empêchent sans explication toute sortie du bâtiment. L'incompréhension puis l'inquiétude gagnent le groupe de reclus malgré eux. Pendant que le second policier irrité s'en prend à la caméra, le corps d'Alex, lui aussi affreusement mutilé, percute le sol, projeté de l'étage où il était resté à travers la cage d'escaliers.
Réussir aujourd'hui à produire de tels films à petit budget est vraiment réjouissant et... réconfortant en ces temps de (perpétuelle !) crise. Soutenu par le Galicien installé à Barcelone Julio Fernández (El Maquinista, Transsiberian), Rec se démarque assez nettement du succès d'un autre duo, américain celui-là, Daniel Myrick-Eduardo Sánchez ou celui plus récent de Matt Reeves. D'abord en ne tentant pas, à toute force(3), de semer le doute sur son improbable authenticité. Ensuite en choisissant un étouffant huis (doublement) clos comme espace de sa narration. Si le scénario co-signé par le Basque Luis Berdejo(4) s'avère relativement simple à l'exception des quelques mystiques inflexions finales, ce sévère dépouillement devient un formidable atout pour l'efficacité du film. Et l'on se dit même que si l'on devait se lancer dans le remake du chef-d'œuvre de William Friedkin, il faudrait probablement utiliser cette "recette" pour qu'il puisse avoir une certaine saveur. Les Etasuniens ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, produisant et diffusant celui de [Rec] moins d'un an après la sortie commerciale de l'original. Pour la suite de celui-ci, il faudra en revanche patienter jusqu'à l'année prochaine...
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1. et non, comme on le croit trop souvent, par The Blair Witch Project.
2. la réaction en salles des premiers spectateurs a notamment servi à faire la promotion du film en Espagne.
3. la courte séquence de rewind par ex. conjugue le récit au présent plutôt qu'au passé. A contrario, les opérateurs dans et du film portent le même prénom.
4. co-auteur d'un remarqué court métrage il y a trois ans et scénariste de l'épisode réalisé par Paco Plaza pour la série télévisée Películas para no dormir.
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