"No, not a vicious circle, a downward spiral!"
Sorti (entre singe et coq) au moment où se déroulait sur le terrain militaire la terrible offensive du Têt qui allait radicalement modifier le cours du conflit au Viêt-nam, In the Year of the Pig a dû faire aux Etats-Unis l'effet d'une bombe certes moins sanglante mais moralement tout aussi dévastatrice. Emile de Antonio n'en était pas à son coup d'essai puisqu'il avait déjà réalisé deux films, le premier resté fameux sur les pratiques douteuses au sein de l'armée du sénateur du Wisconsin McCarthy, l'autre consacré à l'assassinat de J.F. Kennedy, avec lequel il avait partagé les bancs de Harvard. Produit par le journaliste Orville Schell, spécialiste de l'histoire de la Chine et reporter en Indochine, ce documentaire a concouru en 1970 pour l'"Oscar" de sa catégorie.
In the Year of the Pig entreprend de remettre en perspective le conflit alors à son paroxysme, à la croisée de tous les possibles emballements, d'expliciter de façon détaillée l'engrenage dans lequel s'est progressivement laissé prendre le pays présidé à cette époque par Lyndon Baines Johnson. Les évidences énoncées, dont quelques unes parfois seulement théoriques, s'avèrent bien sûr douloureuses pour les partisans d'un certain impérialisme hégémonique étasunien, de l'arbitrage international musclé ou de simples patriotes désinformés et, plus généralement, pour ceux qui optaient spontanément pour l'ignorance. Succédant à l'armée coloniale française défaite à Diên Biên Phu en 1954, la première force armée au monde se retrouve aux prises à ce qui est d'abord présentée comme une classique guerre civile puis une résistance à la propagation du communisme dans cette région stratégique du globe.
Efficace compilation de nombreuses archives et extraits d'interviews*, certaines enregistrées par le réalisateur à travers le monde, le documentaire d'Emile de Antonio atteint l'essentiel de ses objectifs, didactiques et assurément politiques. L'affirmation de l'hostilité du président Kennedy à une intervention militaire massive, y compris au risque de voir le Sud Viêt-nam tomber dans le camp adverse, et à l'internationalisation de la guerre par le bombardement du Nord n'engage que son locuteur. Le portrait du président Ho Chi Minh, qui décédera près de vingt mois plus tard, en "pur et simple" patriote passe pour de la candeur et/ou prête un peu à sourire. Enfin le postulat de l'unicité du pays alors divisé se voit à la fois contredit par l'histoire et, avec l'exemple notable et préalable de la Corée, par les caractéristiques géopolitiques spécifiques du continent. La démarche objective revendiquée par de Antonio n'excluait évidemment pas l'engagement. Celui-ci valut aux salles où étaient programmé son film d'être l'objet de sérieuses dégradations ou de menaces à la bombe. En revanche, sa projection, organisée en juin 2001 (année du serpent) au Centre Pompidou dans le cadre d'un cycle "Les années Pop : cinéma et politique", fut fort heureusement beaucoup plus paisible !
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*parmi lesquelles celles de plusieurs français : le journaliste et historien Jean Lacouture, auteur d'une biographie d'Ho Chi Minh, de son collaborateur pour plusieurs ouvrages Philippe Devillers ("Histoire du Viêt-nam") ou du parfaitement anglophone (car de mère britannique) Olivier Todd ("Le Nouvel Observateur").
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