lundi 13 octobre 2008

Monte Cristo


"Mon Dieu, quels sont mes ennemis ?"

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Adapté près de trente fois à l'écran(1), l'ouvrage d'Alexandre Dumas et Auguste Maquet, publié dans le "Le Journal des débats" à partir d'août 1844, appartient en bonne place au patrimoine de la littérature française au même titre que le plus tardif et également très populaire "Les Misérables" de Victor Hugo, autre récit d'une vengeance situé aussi pendant l'épisode de la Monarchie de Juillet. A la fois réaliste (car inspiré par une histoire authentique du début du XIXe siècle, celle du Nîmois monté à Paris François Picaud) et puissamment romanesque, "Le Comte de Monte-Cristo" possède en effet une richesse narrative et dramatique qui explique son éclatant et durable succès auprès du public et des cinéastes. Après la série en quinze épisodes d'Henri Pouctal avec le Nordiste Léon Mathot (L'Auberge rouge), c'était au tour du Biterrois Henri Fescourt(2) de proposer sa version co-signée (et assisté) par le dramaturge Armand Salacrou avec Jean Angelo en Edmond Dantès
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Le 24 février 1815, le trois-mâts "Le Pharaon" entre dans le port de Marseille revenant d'une expédition à Smyrne, Trieste et Naples. C'est le second Edmond Dantès qui, à la suite du décès du capitaine, a pris le commandement du navire et se voit confirmé à ce poste par l'armateur Morrel accompagné du père du marin. Dantès se rend dans le petit village peuplé par une colonie catalane pour retrouver sa promise Mercédès, convoitée par son cousin Fernand Mondego. Celui-ci apprend par l'ivrogne matelot Caderousse que "Le Pharaon" a fait, prétendument à l'initiative de son nouveau capitaine, étape à l'Ile d'Elbe où réside en exil Napoléon Bonaparte, l'empereur déchu par le Sénat près d'un an plus tôt. Pour éliminer son rival, Mondego envoie au procureur du roi une lettre anonyme de dénonciation de complot.
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Peu après, Dantès est arrêté en plein banquet de fiançailles et emmené par la garde malgré la résistance désespérée de Mercédès. Convoqué chez le substitut du procureur Villefort, royaliste par opportunisme, le présumé coupable explique la raison du passage de son bateau à l'Ile d'Elbe. Le magistrat découvre dans les papiers trouvés sur Dantès la lettre remise par Bonaparte et adressée à Noirtier, pseudonyme bonapartiste du propre père de Villefort. Ce dernier la détruit après en avoir pris connaissance et, contre toute attente, fait placer l'imprudent Dantès au secret dans la prison du château d'If.
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Deux ans près le magistral et spectaculaire Napoléon d'Abel Gance, Henri Fescourt concluait sa période muette avec l'une des dernières productions ambitieuses de ce type. Longtemps considéré comme perdu, Monte Cristo est assurément une remarquable œuvre (-fleuve, trois heure quarante-cinq) adaptée qui replace le réalisateur parmi les plus talentueux cinéastes internationaux(3) de son époque. Conduite avec adresse et un luxe de moyens(4), la mise en scène apparaît certes stylisée mais toujours pertinente, réussissant en particulier le tour de force de traduire sans défaillance la complexe narration du roman et de ne pas affaiblir l'intérêt et l'attention du spectateur tout au "long" du métrage. La "caractérisation" expressionniste des personnages et l'interprétation des acteurs sont également brillantes, celle de Jean Angelo se montrant néanmoins un peu en retrait comparée à celle du comte de Vandeuvres dans Nana. Enfin, le récent accompagnement musical de Marc-Olivier Dupin(5) s'accorde parfaitement aux séquences illustrées sans être envahissant.
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1. dès 1908 avec un court métrage étasunien dans lequel Hobart Bosworth (The Big Parade) tenait le rôle-titre, lequel le reprendra d'ailleurs quatre ans plus tard pour l'Ecossais Colin Campbell. Puis notamment par Rowland V. Lee, Kevin Reynolds et pour la télévision par Denys de La Patellière ou Josée Dayan avec respectivement Jacques Weber et Gérard Depardieu. Sans compter bien sûr les nombreux scénarii infusés par le livre sans le mentionner.
2. co-scénariste et réalisateur d'une adaptation en deux parties des Misérables (1925).
4. manifeste par exemple avec la multitude des points de vue pendant la scène à l'opéra au début de la seconde partie du film.
5. ancien directeur du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, directeur général de l'Orchestre National d'Ile de France récemment nommé à la tête de "France Musique".

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