"... And he is the very last word in barbering."
Quel cinéaste actuel peut enchaîner quatre très estimables films(1), à la fois différents et marquants, en seulement quatre ans ? Tim Burton, bien sûr ! Le co-réalisateur-scénariste de Corpse Bride nous prouve en permanence qu'il sait changer, se mettre en danger, nous surprendre... tout en restant constamment lui-même. En art, cela s'appelle souvent du génie. Il est vrai qu'avec cette surprenante tragédie (peut-être inspirée de faits réels) signée par le Britannique Thomas Peckett Prest au milieu du XIXe siècle et mainte fois adaptée sur scène et à l'écran, l'ancien enfant reclus, fan de Vincent Price, a dû se sentir dans un environnement assez familier. Récompensé cette année par deux "Golden Globes" (film et acteur principal), Sweeny Todd voyait un peu plus tard ses impressionnants décors gratifiés d'un "Oscar".
Un navire arrive dans le port de Londres. En débarquent un personnage, sombre et un peu inquiétant, appelé Sweeney Todd et Anthony, un jeune matelot grâce auquel le premier a été repêché. Injustement arrêté et emprisonné quinze ans plus tôt par le juge Turpin qui convoitait alors sa belle et vertueuse épouse Lucy, Todd revient pour se venger de l'homme à l'origine de son malheur. A l'endroit où il exerçait sa profession de barbier sous le nom de Benjamin Barker, il rencontre Mrs. Lovett qui tient une pitoyable gargote spécialisée dans la tourte à la viande. Cette jeune veuve lui apprend le suicide de Lucy et le placement de leur fille nouvelle-née chez Turpin. Elle lui propose ensuite d'occuper le local au-dessus de son commerce. Un peu plus tard, Anthony, égaré dans Londres, aperçoit une belle jeune fille inconnue nommée Johanna à travers la fenêtre de sa chambre. Il s'en éprend aussitôt avant d'être rossé et menacé par le tuteur de celle-ci, le juge Turpin.
Sweeney Todd: The Demon Barber of Fleet Street exhale un souffle d'une fétidité tragique, assurément lyrique mais aussi comique. Entre pesante fatalité shakespearienne et vivacité aux rebondissements quasi guignolesques (une influence d'ailleurs revendiquée par Burton), ce drame musical réussit une étonnant mixtion de genres tout en restant parfaitement intelligible et, si l'on peut dire, plaisant. Cette version de la comédie musicale(2) créée à Broadway par Stephen Sondheim en 1979 ne ressemble à aucune autre(3), ne pouvant souffrir, pour cela, d'une éventuelle et improbable comparaison. La mise en scène, spectaculaire à souhait, est remarquablement maîtrisée. Et le couple Johnny Depp-Helena Bonham Carter, réuni pour la deuxième (troisième si l'on compte les voix !) fois par le compagnon de celle-ci, fonctionne à merveille... dans un registre évidemment très éloigné de celui créé auparavant par Len Cariou-Angela Lansbury. Belle prestation également des acteurs secondaires, les excellents Londoniens Alan Rickman et Timothy Spall ainsi que de Sacha Baron Cohen dans une trop brève apparition en signor Adolfo Pirelli/Davey Collins.
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1. et, par la même occasion, faire presque oublier un remake de science-fiction raté.
2. elle-même tirée de la pièce de Christopher Bond de 1973.
3. parmi lesquelles la première adaptation au cinéma, en 1926 et aujourd'hui perdue, avec G.A. Baughan dans le rôle-titre ou encore celle de George King (1936) avec Tod Slaughter et Stella Rho en tête d'affiche.
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