"Okay, I'll document it."
S'il n'est pas (encore ?) l'un des personnages les plus influents d'Hollywood, force est de reconnaître que Jeffrey Abrams sait au moins s'y prendre en matière de buzz. Pour preuve, celui, intense notamment sur le Web, qui a accompagné Cloverfield dès sa phase de projet puis méticuleusement alimenté au cours de celles de production et de lancement du film. L'accueil réservé par le public s'est montré largement à la hauteur de l'attente puisque, doté d'un budget de 25M$, cette coproduction Paramount a enregistré plus de 170M$(1) de recettes, dont plus de la moitié à l'étranger. Sans apparaître aussi novateur et "absolu" qu'on a bien voulu l'affirmer, Cloverfield se révèle être un film percutant, efficace... et terriblement symptomatique de son époque.
New York, vendredi 22 mai. Lily et son fiancé Jason Hawkins ont organisé une petite fête surprise en l'honneur de Robert, le frère de celui-ci, sur le point de partir pour occuper le poste de vice-président d'une entreprise au Japon. Hudson Platt, le meilleur ami de Rob est chargé de filmer la soirée. Egalement invitée, Elizabeth McIntyre fait une apparition accompagnée d'un garçon, écourtée par la légère altercation occasionnée par son ex-petit-ami Rob. Peu après minuit, l'appartement est secoué par un brusque et violent mouvement du sol, le quartier étant brièvement privé d'électricité. A la télévision, un flash spécial évoque l'incident ainsi que le naufrage, peut-être lié, d'un pétrolier dans le port tout proche de Manhattan. Les convives décident de se rendre sur le toit de l'immeuble où ils assistent à une forte explosion. Tout le monde se retrouve dans la rue au moment précis où atterrit la tête arrachée et projetée de la Statue de la liberté. Une créature gigantesque et terrifiante est entrain d'attaquer la ville. Prise de panique, la foule se dirige en masse vers Brooklyn Bridge bientôt brisé par la créature, effondrement fatal pour Jason. Juste avant, Rob avait reçu un appel téléphonique de Beth, grièvement blessée par l'effondrement partiel de son appartement situé à Columbus Circle. Malgré le danger et l'évacuation de l'île opérée par l'armée, Rob convainc Lily, Marlena Diamond et Hud de tenter de sauver celle qu'il aime.
Héritier non génétique de The Beast From 20,000 Fathoms(2), pionnier des films de monstres(3), Cloverfield dévoile et, d'une certaine manière, tente d'exorciser le traumatisme né chez les Etasuniens et les New-yorkais en particulier (J.J. Abrams et son vieil ami le réalisateur Matt Reeves sont nés dans la ville-état) après les attentats du 9/11. Le scénario de Drew Goddard (collaborateur d'Abrams sur Alias et Lost), ne choisit en effet pas par hasard une zone où siégeait le World Trade Center pour être le champs de la terrible bataille contre l'incommensurable, épouvantable et mystérieux agresseur(4), redoutable instrument de destruction massive. La riche idée des producteurs consiste ensuite à renoncer à un traitement conventionnel et d'apporter un réalisme et une crédibilité (relatifs) en donnant à la réalisation une apparence de témoignage, de document brut et serré saisi sur le vif, dans lequel le spectateur semble s'immiscer, comme l'avaient fait avant lui The Blair Witch Project ou le récent et remarquable Rec du duo espagnol Jaume Balagueró-Paco Plaza. Et en composant leur casting avec des acteurs peu connus. Le rythme et la tension dramatique (effroi hystérique !) sont dans l'ensemble bien maîtrisés, ménageant quelques brèves période de baisse de la pulsation cardiaque. Après le nippo-coréen Gwoemul, les monstres au cinéma ont encore de beaux jours devant eux, le succès de Cloverfield ayant d'ailleurs, d'ores et déjà, motivé une suite... peut-être moins énigmatique ?!
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1. 13e meilleure sortie de l'année et actuel 18e au box-office US 2008.
2. dont l'action, imaginée par Ray Bradbury, se déroulait dans le quartier voisin de Brooklyn.
3. avec King Kong situé aussi, dans sa seconde partie, à Manhattan et précédant notamment la fameuse série japonaise Gojira.
4. d'après David Fury, ce sont des recherches effectuées sur l'origine du bloop qui auraient inspiré J.J. Abrams. Le bloop est un son d'ultra-basse fréquence, détecté dans l'Océan Pacifique par le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) à plusieurs reprises durant l'été 1997, et dont l'origine reste aujourd'hui inconnue. Un premier projet de série télévisée fut abandonné en décembre 2005 au profit d'un film. L'origine du monstre pourrait être spatiale (si l'on se fie à la dernière séquence du film).
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