"Entraîner les masses... ou être entraîné par elles ?"
Des trois films de Nagisa Oshima sortis en 1960, Nihon no yoru to kiri
est certainement le plus personnel, comportant probablement même des
éléments autobiographiques. C'est à partir de cette époque que le
cinéaste va amorcer une mutation artistique majeure (voir introduction à la critique de Taiyo no hakaba), notamment en fondant la Sozosha, société de production indépendante pour laquelle il tournera une série de treize films entamée avec Etsuraku.
Automne 1960. Au cours de son discours, le professeur Udagawa, parrain du mariage entre le journaliste Nozawa et l'étudiante Reiko Harada,
se réjouit de voir dans cette union le symbole de la réconciliation
après les événements du mois de juin dernier. Les époux et la plupart
des convives, parmi lesquels Nakayama, membre du Parti et l'un des responsables du mouvement de contestation, et sa femme Misako, ont participé aux violentes manifestations organisées pour empêcher la reconduction de l'Anpo (traité mutuel de sécurité Etats-Unis-Japon). Un ami de la mariée, Ota,
recherché par la police, fait bientôt son apparition. Il stigmatise
l'attitude opportuniste des dirigeants du mouvement étudiant et évoque
la disparition depuis plusieurs mois du camarade Takumi qui en rappelle une autre, celle de l'étudiant Takao en 1953.
Après avoir vu Nihon no yoru to kiri, la référence au titre du célèbre court métrage documentaire d'Alain Resnais apparaît aussitôt fortuite. Le travail de mémoire auquel se prête Nagisa Oshima
sur la période 1953-1960 et dont il a été un des acteurs en tant que
militant de gauche ne peut être comparé à celui, réalisé cinq ans plus
tôt, du cinéaste français. Réalité et fiction se croisent et se
chevauchent dans ce deuxième scénario co-signé avec Toshirô Ishido,
règlement de compte politique et moral visant l'engagement et le
conservatisme des chefs de file de la protestation étudiante et du
Nihonkyosanto (parti communiste japonais). Sur fond de débats
philosophiques et d'intrigues amoureuses, les dissensions et les
incohérences entre les différents courants sont progressivement mises à
jour. Le récit, fondé sur le témoignage, est délibérément déstructuré,
avec l'emploi incessant de flash-backs imbriqués. La dramatisation est
ouvertement théâtralisée, Oshima recourant fréquemment au symbolisme pour pallier la faiblesse des moyens disponibles.
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