mardi 28 août 2007

Apocalypto


"... Repartir de rien."

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Mel Gibson aurait-il trouvé un nouveau créneau cinématographique, celui du film ethnolinguistique ? Il aurait alors été devancé par l'Inuit canadien Zacharias Kunuk avec son Atanarjuat, "Caméra d'or" du Festival de Cannes 2001. En réalité, l'originalité des deux dernières productions du réalisateur n'est pas tant d'utiliser des langues incomprises par la plupart des spectateurs(1) que de favoriser un buzz avant leur sortie... et une polémique après. Moins outrancier(2) que le précédent, Apocalypto est avant tout un film d'action prenant pour décor le Yucatán du IXe siècle (à moins que ce ne soit celui du XVIe !!), descendant psychologique et affecté, mais interprété par des inconnus, du Kings of the Sun de Jack Lee Thompson.
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Alors qu'ils découpent le tapir qu'ils viennent d'attraper dans la jungle, Patte de jaguar, son père Ciel de silex et leurs compagnons de chasse rencontrent un groupe d'individus visiblement hagards. Le chef de cette étrange procession, après avoir échangé des poissons contre un morceau de viande, raconte que leurs terres a été ravagée et demande la permission de traverser la forêt. De retour au village, Ciel de silex prévient son fils du danger de laisser la peur le gagner. Au cours de la fête organisée à la nuit, l'ancien de la tribu narre à l'assemblée réunie une fable dans laquelle un homme triste ne réussit pas à satisfaire ses envies en dépit des généreuses ressources du monde animal et végétal.
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Au premières heures du jour, Patte de jaguar sort en sursaut d'un affreux cauchemar mettant en scène le personnage rencontré la veille. Il aperçoit alors des individus s'introduire dans le village endormi et mettre le feu aux cases. Menés par leur chef Zéro loup, les assaillants attaquent les villageois, tuent ou capturent les hommes et les femmes. Patte de jaguar sauve sa compagne enceinte Sept et son jeune fils Course de tortues en les dissimulant dans un puits à l'aide d'une liane. Puis, en participant à la défense du village, il est fait prisonnier et emmené avec plusieurs de ses habitants vers une cité rendant un culte sanglant au dieu serpent à plumes Kukulkan.
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"Une grande civilisation n'est conquise de l'extérieur que si elle est détruite de l'intérieur." En mettant cette citation du philosophe et historien étasunien William James Durant (auteur de la somme en onze volumes "The Story of Civilization"), Mel Gibson laisserait-il entendre que Apocalypto serait porteur d'un message ? Il aurait fallu, pour cela, qu'il ne se méprenne pas sur le sens du titre de son film(3) et évite, malgré la présence à ses côtés de l'archéologue Richard Hansen, les erreurs historiques et les stéréotypes. Les hypothétiques causes de l'énigmatique disparition de la civilisation Maya(4) constituaient pourtant un fabuleux réservoir narratif, faiblement exploité dans le film. Celui-ci est également présenté comme une métaphore du déclin de notre propre civilisation. Pure fiction commerciale aux tonalités prophétiques, Apocalypto(5) est surtout le récit spectaculaire (et athlétique !) d'un double sauvetage dans lequel le thanatos (violence, souffrance, mort) tient à nouveau une place essentielle. Il profite de la remarquable photographie (souvent en caméra subjective ou très mobile) de Dean Semler (à l'œuvre sur les deux derniers Mad Max et "oscarisé" pour Dances with Wolves). Pour diverses raisons, exposées par ailleurs, on pourra néanmoins lui préférer The New World de Terrence Malick.
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1. les différentes formes du maya sont parlées par environ cinq millions d'Amérindiens, dont sept cent cinquante mille locuteurs du yucatèque, l'araméen par près de cinq cent mille personnes. Apocalypto a d'ailleurs concouru dans la catégorie des films en langues étrangères des "Golden Globes" et BAFTA 2007.
2. mais aussi moins rentable : 120M$ de recettes mondiales (dont 69M$ à l'étranger) pour un budget de 40M$ contre respectivement 612M$ (241M$) et 30M$.
3. "nouveau départ" alors qu'apocalypto signifierait plutôt "je révèle" du grec apocalypsis : "révélation".
4. catastrophes naturelles, guerres, peur collective de la fin destructrice du quatrième cycle, celui de l'Humanité, au Xe siècle.
5. une référence marquée au "Temple du Soleil" d'Hergé doit être soulignée !

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