dimanche 26 août 2007

Iberia



Le cinéaste de fictions "classiques" Carlos Saura, tant apprécié par les festivals de Cannes et de Berlin(1), est naturellement connu de la plupart des cinéphiles. Moins médiatique que son jeune compatriote Pedro Almodóvar, l'auteur de Cría cuervos a néanmoins constitué depuis 1956 une filmographie des plus respectables, émaillée de productions singulières parmi lesquelles de remarquables comédies ou drames musicaux(2). Il est vrai qu'avant de faire du cinéma, ce fils de pianiste professionnelle avait été photographe spécialisé dans la musique et la danse. Véritable amoureux des quatrième et cinquième arts ainsi que de son pays, du flamenco rythme Los Golfos, son premier long métrage. Iberia, son dernier opus en date de ce genre, sorti il y a déjà deux ans en Espagne mais absent jusque là des écrans français, est un splendide hommage au compositeur ibère Isaac Albéniz dont le titre est emprunté à la tardive et célèbre suite pour piano créée en France entre 1905 et 1908, vantée avec insistance par son cadet Claude Debussy.
La partition originale du Catalan pyrénéen, évocation musicale de l'Andalousie, comporte quatre livres, chacun découpé en trois parties instrumentales(3). L'Aragonais Carlos Saura a ajouté quelques étapes à cet insolite voyage, choisissant dix-huit "pièces significatives"(4) du musicien, adaptées "avec liberté et à notre convenance tout en respectant l'œuvre". Iberia se situe à la convergence des arts et des cultures, sublime point de rencontre entre le flamenco, la musique classique ou traditionnelle, le jazz, le ballet et la danse contemporaine pour lequel ont été réunis les plus grands talents espagnols.
Œuvre scénique en création, ce film achève de nous enthousiasmer par sa mise en scène et son inventivité visuelle. Reflets, lumières et couleurs se succèdent et se répondent avec une chatoyante intelligence, un travail collectif permettant à José Luis López-Linares, le directeur de la photographie, de recevoir l'année dernière un "Goya". A moins d'être totalement hermétique à la danse (et à la beauté tout court !), il est impossible de ne pas succomber aux charmes multiples de cette superbe célébration. Paradoxe amusant, avec Iberia et ses autres films chorégraphiés, Carlos Saura donne raison à un funeste dictateur africain qui affirmait pouvoir éduquer le peuple par la danse.
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1. six de ses films ont été sélectionnés à la Berlinale, obtenant trois "Ours d'or", huit ont été projetés sur la Croisette, dont deux récompensés par des "Prix du jury".
2. notamment Carmen (1983), Flamenco (1995), Tango, no me dejes nunca (1998) ou Salomé (2002).
3. I- Evocación - El Puerto - El Corpus en Sevilla II- Rondeña - Almería - Triana III- Al Albaicín - El Polo - Lavapiés IV- Málaga - Jerez - Eritaña
4. Evocación - Aragón - Bajo la Palmera - Granada - Córdoba - Cádiz - Triana - Torre Bermeja - Almería - Corpus Sevilla - Rondeña - El Albaicín - Zortziko - El Puerto - Granada (bis) - Asturias - El Albaicin (bis) - Sevilla

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