jeudi 20 juillet 2006

Umberto D.


"J'ai toujours payé."

Traditionnellement moins connu du grand public que Ladri di biciclette, peut-être en raison de son échec au moment de sa sortie, Umberto D. est pourtant l'une des meilleures réalisations de Vittorio De Sica, cité à juste titre par Martin Scorsese dans son Il Mio viaggio in Italia. Troisième et dernier volet d'une "trilogie de la pauvreté" après Ladri... et Miracolo a Milano dont les scénarii sont tous signés par Cesare Zavattini, le film s'inscrit bien sûr dans le mouvement néo-réaliste italien* né près de dix ans plus tôt et dont Rossellini avait livré deux œuvres fondatrices. Ce mélodrame social, probablement le plus sombre et désespéré de cette trilogie, doit d'ailleurs une grande part de sa force expressive à la qualité d'interprétation de ses acteurs principaux, Carlo Battisti, professeur de philologie à Florence, la débutante Maria-Pia Casilio et... le chien.
Umberto D., ancien fonctionnaire du ministère des travaux publics, ne parvient pas à s'en sortir avec sa modeste pension. Sa situation l'incite à participer à une manifestation organisée par des retraités, finalement dispersée par la police avant de pouvoir rencontrer le ministre. Umberto doit quinze mille lires d'arriéré de loyers à sa logeuse, une pseudo cantatrice aisée mais intraitable, hébergeant volontiers des couples illégitimes. Celle-ci est bien décidée, à défaut de paiement, à le faire expulser de sa chambre. Le vieil homme trouve un peu de réconfort auprès de Maria, la jeune bonne de la maison. Cette dernière, enceinte de l'un des deux soldats qu'elle fréquente, risque sa place si sa patronne l'apprend. Fiévreux, Umberto est brièvement hospitalisé et profite de son séjour pour se refaire une santé morale. Mais les problèmes resurgissent bientôt, parmi lesquels la disparition de son cher chien Flike, confié à Maria.
"L'homme dans son aventure de tous les jours", c'est ainsi que Cesare Zavattini, le théoricien du néo-réalisme, définissait le cinéma. Umberto D. est en parfaite adéquation avec ce postulat. De manière quasi radicale. Il ne reste pratiquement plus rien de l'humour et de la solidarité humaine que l'on trouvait encore dans Ladri di biciclette ni du lyrisme fantastique du final de Miracolo a Milano. Le film s'apparente à une tragédie du quotidien, sorte d'oraison funèbre d'un personnage progressivement gagné par une obsession morbide, démuni de presque tout à l'exception de sa dignité et de l'instinct de vie de son chien. Pas de misérabilisme** ni de sentimentalisme pour autant, Umberto D. est d'une grande sobriété, tant sur le plan narratif que sur celui de la réalisation. La "Palme d'or" 1952, largement méritée mais attribuée par l'académicien Maurice Genevoix et son jury au modeste Due soldi di speranza(ex-aequo avec The Tragedy of Othello de Welles) lui aurait permit de connaître une autre carrière initiale et convaincu Vittorio De Sica de persister plutôt que de revenir à la comédie. Car plus de cinquante ans après, Umberto D. n'a rien perdu de son acuité et, hélas ! de son actualité.
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*même si les scènes d'intérieur ont été tournées en studio.
**contrairement à ce prétendait le politicien et journaliste Giulio Andreotti, principal responsable de l'échec commercial du film.

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