"Merci, mais je préfère ma formule."
Lorsque les biographes se pencheront sur la carrière d'Andrew Niccol,
ils auront vraisemblablement quelques difficultés à dégager une ligne
directrice à son œuvre. Il est vrai que celle-ci est encore courte,
trois films en dix ans auxquels s'ajoutent deux scénarii, également
originaux. Le cinéaste néo-zélandais semble cependant surgir là où on
l'attend le moins. Lord of War
en est une preuve manifeste, avec lequel il passe du circuit balisé des
productions hollywoodiennes à la complexité des montages financiers
indépendants et de la réalité virtuelle à une matérialité mortellement
concrète. Le film et Niccol nous surprennent donc, à la fois de manière extrinsèque et intrinsèque, mais sans parvenir à nous convaincre tout à fait.
Immigré avec ses parents et son jeune frère aux Etats-Unis en provenance d'Ukraine, Yuri Orlov
se cherche une vocation. Ce fils de restaurateur a un jour la
révélation en assistant à un règlement de compte entre mafieux chez un
concurrent : il deviendra négociant en armes. D'une paire d'Uzi
vendue à la sauvette dans une chambre d'hôtel à un deal conclu avec un
trafiquant de drogue colombien, son petit business prend de l'essor même
s'il est traité d'amateur par Simeon Weisz, le ponte de son métier, croisé pendant un salon professionnel et s'il est poursuivi par Jack Valentine, un tenace officier d'Interpol.
Son frère et associé Vitaly, devenu dépendant à la cocaïne et devant suivre une cure de désintoxication, Yuri poursuit seul sa faussement lucrative activité, grâce à laquelle il parvient toutefois à séduire et épouser Ava Fontaine, le top model qu'il convoite depuis son élection au titre de Miss Long Island.
Lorsque Mikhaïl Gorbatchev annonce la fin de la guerre froide, se
traduisant par le démantèlement du Pacte de Varsovie, une nouvelle ère
s'ouvre alors pour Yuri, avec l'aide de son oncle Dmitri, un général de l'armée ukrainienne.
Le
trafic d'armes international est un sujet constamment brûlant,
passionnant et qui n'a jamais été véritablement traité au cinéma. Une
riche idée de film, en somme. A priori seulement. Car avec la production
de Lord of War, Andrew Niccol a pleinement éprouvé l'expression selon laquelle "il y a loin de la coupe aux lèvres".
Malgré cela, le film est plutôt réussi et l'on prend un réel plaisir à
cette fiction, bien documentée et inspirée de personnages et de
situations authentiques, où légalité et moralité se renvoient, si l'on
peut dire, la balle ! Le choix d'une narration en partie en voix off,
tel un exposé, renforce d'ailleurs son caractère documentaire tout en
donnant au récit une dimension "confessionnalle".
Il
est, en revanche, dommage que le scénario mise autant sur la formule et
que la mise en scène s'apparente un peu trop à un catalogue filmé de
voyages (réminiscences du passé de réalisateur de publicités télévisées de Niccol ?).
On regrette également la relative timidité du cynisme développé par le
film qui avait largement les moyens d'être beaucoup plus féroce. Ou, à
l'inverse, ne pas voir le côté parodique de ce portrait être renforcé en
optant pour... une comédie musicale.
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