En 1960, deux ans après le sulfureux Les Amants, Louis Malle décide, bien que l'on ait tenté de l'en dissuader, d'adapter le roman, paru en avril de l'année précédente, du surréaliste Raymond Queneau.
Le livre narre une jolie aventure initiatique et satirique tout en
étant un splendide exercice sur l'absurde et le langage, truffé de
néologismes (un "doukipudonktan" tonitruant ouvre l'ouvrage et le film). Le réalisateur cherche alors à transposer au cinéma cet étonnant travail sur les mots et les idées. A l'arrivée, Zazie dans le métro est une comédie (farce ?) délirante et enthousiasmante (dont s'inspirera Yves Robert pour son Bébert et l'omnibus), dans la lignée des œuvres de Jacques Tati.
Le film ne doit pas se voir comme une pure adaptation ; il est
original, novateur, intelligent et drôle. Les raisons probables de son
relatif échec au moment de sa sortie. Des raisons suffisantes pour le (re)découvrir aujourd'hui !
Gabriel est venu attendre sa nièce Zazie à l'arrivée de son train dans une gare parisienne. Sur le quai, alors que Jeanne, la mère de Zazie, se jette pour deux jours dans les bras de son jules, l'oncle entraîne l'enfant de douze ans dans le taxi de son ami Charles. Zazie
s'échappe car elle est venue à Paris pour prendre le métro. Hélas, elle
en trouve les grilles closes pour cause de grève. Le lendemain, Zazie s'enfuit à nouveau au petit matin pour partir à l'aventure de la ville. Mais elle est surveillée par Turandot, le propriétaire d'un bar et du logement de l'oncle Gabriel,
qui la suit et la rattrape. La jeune fille s'en débarrasse en faisant
éclater un scandale. Sur place, elle fait la connaissance d'un
personnage moustachu. Celui-ci l'emmène au marché aux Puces pour lui
acheter une paire de blue-jean. Pendant une pause moules-frites, Zazie
fait croire à son étrange compagnon qu'elle est la fille de la célèbre
"Couturière de St-Mouscron" qui a fendu le crâne de son mari d'un coup
de hache...
Zazie dans le métro ressemble à une de ces histoires des "Pieds nikelés" que le jeune Queneau lisait dans "l'Epatant".
On se souvient également, en revoyant le film, qu'avant de s'inscrire à
la Sorbonne pour y étudier la philosophie, l'auteur des "Exercices de style" avait appris quelques langues dites orientales (zend, sanscrit, hébreu, arabe et hittite).
Cette légèreté, cette liberté, voire cette transgression des codes que
certains ont qualifié ou qualifient encore, à tort, de vulgarité, se
retrouvent dans le film de Louis Malle. Mais le réalisateur, avec beaucoup d'humilité, ne néglige pas les sujets plus sérieux comme ceux du temps et de l'initiation. "Sans
m'en rendre compte, j'ai trouvé avec Zazie, mon thème principal, la
rencontre d'un enfant ou d'un adolescent avec la corruption et le chaos
du monde adulte" déclare-t-il modestement. Derrière le burlesque
des situations, les gags, dont certains sont parfois un peu épais, et
les effets cinématographiques (accéléré de l'image et du son, distorsion, insertion, dédoublement...) empruntés pour la plupart aux cartoons américains, il y a un authentique et intéressant discours d'auteur et de cinéaste qui ne doit pas grand chose à la Nouvelle vague.
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