lundi 9 mai 2005

Le Grand rôle


"- Je croyais que c'était péché de mentir.
- Je me suis arrangé avec, heu..."

Le premier long métrage du producteur, réalisateur et acteur Steve Suissa, L'Envol, avait agréablement surpris le public en 2000 et, en particulier, les membres du jury du Festival international du film de Moscou présidé par Theo Angelopoulos. Le deuxième, tiré d'un roman éponyme de Daniel Goldenberg paru en 1999, est moins convaincant. Sur une thématique assez proche du Comme si de rien n'était de Pierre-Olivier Mornas qu'il a produit et dans lequel il tient un second rôle, Suissa ne parvient pas à communiquer au spectateur son enthousiasme et son attachement pour cette histoire à la fois banale et extravagante et pour les personnages qui la vivent.
Maurice Kurtz est un comédien d'une quarantaine d'années. Il aime éperdument sa femme Perla qui travaille dans une boutique de prêt-à-porter du Marais. Maurice passe l'essentiel de son temps avec son groupe d'amis, Simon, Samy, Elie et Edouard, tous juifs comme lui et tous comédiens sous-employés. Ils vont, pourtant, avoir une occasion inespérée de mettre en avant leur talent éventuel. Rudolph Grichenberg, un des réalisateurs les plus réputés au monde, organise, en effet, un casting à Paris pour son prochain film, "Le Marchand de Venise" tiré de l'œuvre de Shakespeare. Le quintette d'amis y est convié, mais seul Maurice reste en lice pour le rôle de Shylock. Avec le réalisateur, le contact est bon et, après une dernière audition, Maurice se voit confier le rôle tant désiré. Arrivé chez lui, Perla annonce à Maurice qu'elle est atteinte d'un cancer incurable. Alors, quand Benny, son agent, explique à celui-ci que le rôle a finalement été attribué à une star libérée de ses engagements, Maurice décide de ne rien dire à sa compagne et de lui faire croire qu'il va bientôt démarrer le tournage.
Malgré sa résolution de ne plus faire, après L'Envol, de film sur les acteurs, Steve Suissa se laisse suffisamment séduire par le roman de Daniel Goldenberg pour adapter au cinéma, produire et réaliser Le Grand rôle. Les personnages du roman subissent, au passage, une cure de rajeunissement de plus de trente ans et la dimension judaïque de l'ouvrage est sensiblement atténuée. Le handicap majeur du film réside dans ses longueurs et son évident manque de rythme. La phase d'exposition prend près de la moitié du métrage et après, la narration tourne un peu à vide avant de virer à la farce mélodramatique. Autant dire l'on se désintéresse, malheureusement, assez rapidement du sort des protagonistes et de leurs excentricités à peine crédibles. Dans un registre comparable, celui de l'amour, de la maladie, du mensonge et du métier d'acteur, on lui préfère nettement Comme si de rien n'était. Reste l'interprétation de Stéphane Freiss, trop rare au cinéma malgré la qualité constante de son jeu même lorsqu'il est, comme ici, mal employé. Sa prestation est, néanmoins, bien plus probante dans 5 x 2 de François Ozon, tourné à peu près en même temps. Et la singulière présence de Peter Coyote, dans un rôle inspiré par le personnage de Steven Spielberg*, ne manque pas de déconcerter.
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*Steve Suissa souhaitait un acteur américain pour jouer le réalisateur. Il fit donc parvenir le scénario à Peter Coyote qui se montra très intéressé. A propos de sa rencontre avec le comédien, le réalisateur raconte : "Je lui ai demandé un rendez-vous d'un quart d'heure au "Café de Flore" parce qu'il adore St-Germain-des-Prés. Sophie Tepper m'a accompagné et lorsque nous sommes arrivés sur place, Spielberg en personne y était attablé et prenait un café. Il était en promotion pour Minority Report. Je n'ai, cependant, pas osé aller l'aborder"

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