"Honest, brave and naïve. There is your Englishman. Right there."
Universal tenait vraiment à adapter ce récit préliminaire à la légende de Robin Hood. Les enchères très disputées pour acquérir les droits du scénario original signé par le duo Ethan Reiff-Cyrus Voris (co-auteurs notamment de la série télévisée Sleeper Cell) en apportent une preuve indiscutable. Adapté par Brian Helgeland(1), le projet est finalement confié à Ridley Scott, natif du Nord-Est de l'Angleterre (distant de plus de cent cinquante miles de Nottingham), lequel demande et obtient de significatifs changements de script avant(2) de se lancer dans l'aventure. Le Néo-zélandais Russell Crowe, choisi par Brian Grazer pour tenir le rôle-titre, est associé pour la première fois à l'Australienne Cate Blanchett. Présenté en ouverture du dernier Festival de Cannes, Robin Hood a attiré sensiblement moins le public que le précédent film de Scott pour le studio(3).
Château de Chalus, 1199. En route vers leur pays de retour de croisade, les troupes de Richard 1er Cœur-de-Lion assiègent la forteresse du Limousin. Au cours de l'assaut, le roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine est mortellement blessé par un tir isolé d'arbalète. En transportant la couronne à Londres, son second Sir Robert Loxley et l'escorte qui l'accompagne succombent à une embuscade tendue dans la forêt de Brocéliande par des hommes à la solde de leur compatriote Godfrey. Une opération lancée à l'initiative du roi Philippe de France, organisée initialement pour assassiner Richard et faciliter ainsi sa prochaine conquête de l'Angleterre. Les assaillants tombent à leur tour sous les coups de Robin Longstride, Little John, Allan A'Dayle et Will Scarlet, anciens soldats appréhendés du roi Richard. Avant de mourir, Loxley reçoit de Longstride la promesse de restituer l'épée empruntée sans consentement à son père Sir Walter de Nottingham.
En se faisant passer pour son mandant, celui-ci et ses compagnons traversent la Manche à bord d'un navire envoyé à cette fin. Sous le treillis de la poignée de l'arme confiée, Longstride découvre une étrange formule qui éveille brusquement de vagues souvenirs d'enfance. La couronne remise par Longstride à la mère du défunt, Aliénor d'Aquitaine, sert aussitôt à investir le plus jeune et dernier de ses cinq fils John. En désaccord avec Aliénor et le marshal Williams, le nouveau souverain, résolu à user de la force pour encaisser l'impôt, destitue ce dernier et nomme à sa place Godfrey. Arrivé à Nottingham, Longstride y rencontre Marianne, la veuve de Loxley, puis Sir Walter, lequel lui suggère de prendre l'identité de son fils pour maintenir la propriété du domaine.
Bien qu'édulcorée (aseptisée ou historicisée ?) par les réécritures successives, l'histoire imaginée par Ethan Reiff-Cyrus Voris participe évidemment à l'intérêt de Robin Hood, adaptation préalable - préparatoire ?(4) - sans doute la plus aboutie sur les plans conceptuel et technique du mythe esquissé de manière fortuite par la plume du poète William Langland en 1377 puis repris à plusieurs reprises. Certes, le film de Ridley Scott bouscule la vision classique, habituelle que nous en avions, en particulier à travers les précédents portages au cinéma(5). Mais le cinéaste distingué en 2002 du titre de chevalier(6), s'il n'a plus besoin de nous convaincre de ses capacités à diriger une production en costumes et à grand spectacle de cette ampleur, très bien documentée, construite, avec un soin presque minutieux du détail, ne suscite plus l'enthousiasme depuis Gladiator. Ses films nous repaissent (dans le cas présent, plus de deux heures trente pour le director's cut, soit seize minutes supplémentaires par rapport à la version salles) mais ne nous enivrent pas, ne se fixent pas durablement dans nos mémoires. Les prestations de Russell Crowe, rarement en défaut dans ce type d'emplois (même en devenant l'interprète le plus âgé du rôle), de l'admirable(7) Cate Blanchett et du remarquable Max von Sydow, qui lui continue de nous surprendre à plus de quatre-vingt printemps, ne sont pas en cause. En revanche, outre William Hurt, que l'on a toujours plaisir à revoir y compris dans un personnage peu étoffé et supplétif, et Danny Huston qui disparaît prématurément, le reste du casting n'apporte à vrai dire pas beaucoup de relief. Rassasiant mais assez peu gustatif... Resterait-il de l'hydromel ?!
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1. disciple de Richard Donner (Conspiracy Theory), également scénariste de L.A. Confidential (mais aussi, la même année, de The Postman !), de Mystic River et du récent Salt.
2. par le dramaturge britannique Paul Webb puis par Tom Stoppard pendant le tournage.
3. 105M$ aux Etats-Unis (205M$ à l'étranger) contre 130M$ (136M$) pour American Gangster doté d'un budget moitié moindre.
4. une suite a été évoquée en avril, c'est à dire avant Cannes et l'exploitation en salles. Il n'en est, semble-t-il, désormais plus question.
5. parmi lesquelles les versions d'Allan Dwan (1922) et de Kevin Reynolds (1991), en passant par celle de Michael Curtiz (1938), sans oublier la parodie de Mel Brooks (1993 - la seule ayant trouvé grâce devant Scott) ou la vision tardive de Richard Lester (1976).
6. Knight Bachelor's Badge instauré sous le règne d'Henry of Winchester... le fils du John Lackland du film.
7. pour éviter la répétition de "formidable" employé par ailleurs.
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