"With this picture, the only difference (...) Is that so terrible?"
Etrangement connu pour sa tardive adaptation du roman de science-fiction The Day of the Triffids du Britannique John Wyndham (Village of the Damned), Steve Sekely(1) arrive aux Etats-Unis en 1939. Attaché dès lors à la réalisation de plusieurs et inégales productions indépendantes aux genres très différents, il ne retrouvera jamais l'éclat que lui avaient conféré la trentaine de films dirigés sur le vieux continent. Hollow Triumph(2) reste sans doute sa meilleure contribution au cours de cette seconde période de sa carrière. Polar volontiers brutal, produit par Bryan Foy (He Walked by Night) et dont le scénario signé par Daniel Fuchs (Criss Cross) est tiré d'un obscur ouvrage, il met en vedette Paul Henreid, compatriote méridional du réalisateur et acteur très en vue au cours de cette décennie(3), notamment en Victor Laszlo dans Casablanca.
Libéré de prison et placé comme employé subalterne dans l'entreprise Meikle John Cie de Los Angeles, John Muller convainc aussitôt ses partenaires, désormais rangés, de commettre un hasardeux hold-up au cercle de jeux appartenant à Rocky Stansyck. A la suite d'une série d'imprévus, 'Big Boy', Al et Rosie sont capturés et abattus. Johnny et Marcy réussissent à s'échapper avec une partie du butin mais ils font rapidement l'objet d'une traque impitoyable de la part des hommes de Stansyck. Marcy décide de se réfugier seul au Mexique, Muller prend son poste chez Meikle John, supervisé par le pointilleux Mr. Thompson. Lors d'une livraison urgente, il s'aperçoit être suivi par un individu, un dentiste le prenant pour son voisin le docteur en psychologie Victor E. Bartok dont il est le sosie à l'exception d'une cicatrice sur la joue gauche. Muller teste au-delà de ses espoirs cette ressemblance auprès d'Evelyn Hahn, la secrétaire du praticien. Son retard provoque une altercation avec Thompson et son renvoi immédiat. Son frère Frederick, comptable dans l'administration sociale, lui rappelle le danger qui le menace et dont son ami Marcy a récemment été la victime à Mexico. Deux tueurs attendent d'ailleurs Muller à la sortie de l'hôtel où l'a reçu Freddy.
Placé sous les auspices de l'implacable destin, Hollow Triumph surprend en partie par ses brusques virages narratifs. D'emblée, le récit tient à nous dévoiler le "pedigree" du personnage central, celui d'un orphelin ayant abandonné des études de médecine. Outre qu'elle sert évidemment le développement du scénario, cette précision fait de Muller un criminel éduqué, figure du polar assez peu conventionnelle. Ensuite, la chasse dont il fait l'objet tend à se réduire, à travers quelques brèves séquences au demeurant bien conduites, au prétexte du véritable (mais plus détendu !) climax du film, c'est à dire la substitution (imparfaite et meurtrière) d'identité. A bien y réfléchir, le procédé apparaît davantage comme un intéressant exercice de style fictionnel et proprement absurde (comme le suggère le titre originel), revitalisé (si l'on peut dire, ou moralisé) par la tournure finale. Cynique et opportuniste radical, Muller solidement interprété par Paul Henreid, suscite nettement moins d'empathie que le Nick Bianco du Kiss of Death d'Henry Hathaway, sorti l'année précédente, dont il diffère profondément. Les personnages secondaires manquent d'étoffe, en particulier Joan Bennett, vedette principale du récent et freudo-languien Secret Beyond the Door, un rôle qu'elle ne peut prétendre tenir ici. A noter enfin la première et courte apparition au cinéma de Thomas Browne Henry (aka Rocky Stansyck, que l'on reverra notamment dans The Asphalt Jungle et Julius Caesar) et de Jack Webb, futur auteur et acteur des séries Dragnet, ainsi que les probables ferments du score de Star Trek audibles dans la partition signée Sol Kaplan.
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1. né István Székely dans l'austro-hongroise Budapest de la toute fin du XIXe siècle.
2. intitulé "The Scar" au Royaume-Uni et "The Man Who Murdered Himself" (celui du roman) à l'occasion de sa reprise aux States.
3. avant d'être blacklisté lors de la "Red Scare" (peur rouge) d'influence mccarthienne.
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